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Soldes d'été : le supermarché AFNIC place les associations en tête de gondole


Communiqué de presse d'IRIS - 28 mai 2001

Voir aussi :

- Le correctif du SEES publié par Véronique Kleck, conseillère du SEES, sur la liste d'IRIS inms-l le 29 mai 2001

- La réponse d'IRIS à ce correctif, le 29 mai 2001

- Le message de l'AFNIC adressé à tous ses prestataires conventionnés

- Le texte du « contrat de partenariat soumis par l'AFNIC aux prestataires conventionnés souhaitant s'associer à cette opération


Dans un document intitulé « Les dessous d'une offre alléchante », l'association IRIS propose d'instaurer un service public d'enregistrement des noms de domaine, directement ouvert à tous, dissocié de la gestion technique (hébergement et redirection) par un prestataire quelconque, et avec un coût maximal par domaine, pour les personnes physiques et les groupements à but non lucratif, dans le cadre d'une péréquation tarifaire avec les entreprises.

Cette proposition est une riposte alternative à l'annonce que vient de faire l'AFNIC dans un message adressé aux prestataires conventionnés, présentant son offre promotionnelles estivale pour les associations, à l'occasion du centenaire de la loi du 1er juillet 1901 et avec le soutien du Secrétariat d'État à l'Économie solidaire.

IRIS estime que l'AFNIC « poursuit ainsi son entreprise de captation de l'espace des noms de domaines correspondant aux codes pays de la France (.fr, mais aussi .re pour La Réunion) ». IRIS, qui a déjà dénoncé ces « manoeuvres », note que « celles-ci s'accompagnent aujourd'hui de la volonté de faire main-basse sur le segment de marché, décidément bien lucratif, constitué par le secteur associatif ».

Pour IRIS, « cette opération risque de tuer à très court terme les prestataires associatifs et coopératifs, qu'ils soient vraiment non marchands ou "plus ou moins marchands", au profit des gros prestataires commerciaux membres de l'AFNIC ».

Contact IRIS : iris-contact@iris.sgdg.org - Tel/Fax : 0144749239


Commentaires détaillés d'IRIS - 28 mai 2001


Les dessous d'une « offre alléchante »

L'AFNIC organisera, du 2 juillet au 15 décembre 2001, une « opération d'enregistrement gratuit des noms de domaine en ".asso.fr" et ".asso.re" ». Seuls les prestataires membres de l'AFNIC ayant signé avant le 14 juin 2001 un « contrat de partenariat » avec l'AFNIC pourront être partenaires de cette opération, et donc offrir ces enregistrements gratuits.

Conséquences pour les utilisateurs du secteur associatif

La gratuité n'étant valable que pendant 12 mois, le tarif habituel de « maintenance » sera ensuite appliqué. Il s'agit donc bien d'une offre d'appel, apparemment « alléchante », mais dont l'effet est de rendre les associations captives de l'AFNIC et de ses gros prestataires. En effet, on se souvient que l'AFNIC a déjà tenté d'éliminer les petits prestataires, en leur imposant une grille unique de tarification au prix fort, qu'ils ne pouvaient que répercuter sur leurs abonnés [1]. Au bout d'un an de gratuité, les associations ayant opté pour cette offre n'auront d'autre choix que d'accepter les tarifs et conditions imposés, sauf à se résoudre à des modifications de leurs adresses, opérations toujours lourdes et préjudiciables.

Conséquences pour les prestataires associatifs et coopératifs, et les indépendants

L'AFNIC impose des conditions au partenariat. « Pourront devenir partenaires de cette opération les prestataires qui, en sus de l'enregistrement de domaine, offriront au moins l'un des services suivants et ce, gratuitement pendant 12 mois : redirection Web et Mél et/ou espace d'hébergement pour des pages web et/ou création d'une ou de plusieurs adresses de messageries électroniques ». De plus, l'AFNIC demande de « faire afficher clairement les frais de maintenance dont l'utilisateur sera redevable l'année suivante ».
Seuls pourront survivre à ces conditions les prestataires dont l'assise financière est suffisamment solide pour se passer de ces revenus pendant une année. Il s'agit de ceux qui compenseront un tel « manque à gagner » par des rentrées publicitaires, ou par la commercialisation de profils de consommateurs, ou encore par la disponibilité de capitaux permettant d'attendre des « jours meilleurs ». Par exemple ceux qui verront arriver, au bout d'un an et un jour, les utilisateurs du secteur associatif devenus captifs de leur adresse en .asso.fr, et dont le précédent prestataire aura dû déposer la clé sous la porte de l'AFNIC.

L'AFNIC tue le secteur non marchand

Toujours prompte à défendre les intérêts particuliers de ses plus gros membres - qui disposent du droit de vote - au détriment de l'intérêt général, l'AFNIC a déjà mis au point sa stratégie de communication. Ainsi, son site Web présentera un tableau reprenant « l'ensemble des partenaires qui seront classés selon les priorités suivantes, et ce pour répondre à l'attente des utilisateurs : les services offerts, le n° du département, l'ordre alphabétique ».

Outre que les prestataires les plus riches seront par conséquent en haut de l'affiche, du simple fait qu'ils sont en mesure d'offrir le plus de services « gratuits », cette classification par « services » ignore complètement le fonctionnement des prestataires non marchands. Ceux-ci n'établissent pas une grille de tarification au service, mais offrent l'ensemble de leurs services pour une cotisation forfaitaire.

Ainsi, le Réseau associatif et syndical (R@S), dont IRIS est membre, offre l'ensemble de ses services à tous ses adhérents, qui paient une cotisation différenciée selon leurs moyens, et qui décident en commun de la panoplie de services souhaitables, en fonction des moyens collectifs disponibles. D'autres prestataires, associatifs ou coopératifs, procèdent selon la même logique pour l'offre de services, même s'ils ne différencient pas forcément les cotisations de leurs membres ou sociétaires.

Le Secrétariat d'État à l'Économie solidaire donne le coup de grâce

Si le souci de l'AFNIC pour les intérêts de ses membres n'étonne plus personne, le rôle joué par le Secrétariat d'État à l'Économie solidaire (SEES) dans cette affaire est pour le moins troublant. En effet, l'opération commerciale promotionnelle sera annoncée par l'AFNIC au cours de la troisième semaine de juin, dans le cadre d'une conférence de presse commune avec le SEES, qui lui apporte ainsi sa « caution solidaire ».

Depuis sa création, le SEES nous a, il est vrai, habitués aux « coups médiatiques » et au saupoudrage de soutien financier, en lieu et place d'une vraie politique en faveur du développement de l'économie solidaire.

Ainsi, le programme « Dynamiques solidaires » a soulevé les espoirs de 2600 porteurs de projets [2], dont 13 seulement en lien avec Internet ont été retenus, selon des critères qui restent bien flous [3]. Mais l'objectif d'un tel appel à projets, dénué de tout semblant de cahier des charges, n'était-il pas, simplement, d'affirmer l'existence d'un Secrétariat d'État en mal de reconnaissance ? Et qu'importe alors que ces porteurs de projets aient dépensé du temps, de l'énergie et de l'argent pour répondre à l'appel : le SEES peut à présent se prévaloir de « l'animation d'un réseau ».

Par cette nouvelle opération médiatique, le SEES engage aujourd'hui, de manière sans doute irréfléchie, les associations à se livrer pieds et poings liés aux gros prestataires commerciaux. L'inconscience va jusqu'à ignorer les conséquences de cette opération sur les prestataires associatifs et coopératifs, dont certains figurent pourtant parmi les 13 porteurs de projets « élus ».

Pour un service public d'enregistrement des noms de domaines

Le seul moyen de mettre fin à ces dérives spéculatives est, comme l'a déjà recommandé IRIS à de nombreuses reprises [1][4], d'instaurer un vrai service public d'enregistrement des noms de domaines correspondant aux codes pays de la France.

L'avant-projet de loi sur la « société de l'information » reconnaît déjà que ces noms de domaine constituent une ressource publique, devant être gérée « dans l'intérêt général en garantissant des conditions d'accès objectives, transparentes et non discriminatoires » [5].

Il faut aller plus loin en précisant dans la loi les conditions d'accès et de tarification, suivant les modifications de l'article 2 de l'avant-projet recommandées par IRIS [6], notamment :

- Instaurer un service public d'enregistrement des noms de domaine, directement ouvert à tous, et dissocié de sa gestion technique (hébergement et redirection) par un prestataire quelconque.

- Instaurer un coût maximal par domaine, pour les personnes physiques et les groupements à but non lucratif, dans le cadre d'une péréquation tarifaire avec les entreprises.

Jusqu'ici, l'AFNIC justifiait la situation actuelle par les coûts de vérification de la légitimité à prétendre à un nom de domaine dans l'espace « .fr ». Le message adressé à ses membres indique clairement que cette difficulté est à présent levée par le recours à une base de données en ligne, permettant la vérification quasi-automatique de ces informations.

Plus aucun prétexte ne s'oppose donc à la transformation de l'AFNIC en un réel service public d'enregistrement des noms de domaine.

Références :


[1] IRIS. « Instaurer le service public des noms de domaine pour arrêter la captation du .fr par l'AFNIC et les prestataires privés ». Communiqué de presse. 15 octobre 2000. http://www.iris.sgdg.org/info-debat/comm-afnic1000.html
[2] SEES. « Appel à projets "Dynamiques solidaires" ». http://www.social.gouv.fr/economie-solidaire/actualite/appel.htm
[3] Le Monde Interactif. « La politique du lien associatif », portrait de Véronique Kleck, conseillère technique au SEES. 23 mai 2001. http://interactif.lemonde.fr/article/0,5611,2864--186411-0,FF.html
[4] IRIS. « 85 recommandations pour un Internet démocratique en l'an 2000 », section 1.5. Rapport. Novembre 1999. http://www.iris.sgdg.org/documents/rapport-lsi/lsi-section1.html#R15
[5] Avant-projet de loi sur la « société de l'information » (NOR:ECOX0100052L/R1), article 2. 31 mars 2001. http://www.iris.sgdg.org/actions/lsi/apl/lsi-apl-310301.html#2
[6] IRIS. « Avant-projet de loi sur la "société de l'information" -  Analyse et recommandations d'IRIS », article 2. Rapport. 21 mai 2001. http://www.iris.sgdg.org/documents/rapport-lsi-apl/titre1.html#1

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