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Instaurer le service public des noms de domaine
pour arrêter la captation du .fr
par l'AFNIC et les prestataires privés


Communiqué de presse d'IRIS - 15 octobre 2000


L'AFNIC a récemment soumis à ses adhérents une proposition de tarification unique pour l'année 2001 des prestataires conventionnés pour la délégation de sous-domaines dans l'espace géographique « .fr ».

Cette initiative repose avec acuité le problème de la légitimité de l'AFNIC et de ses prérogatives. Ce problème a déjà été soulevé par l'association IRIS, suivie par les représentants d'associations et de syndicats ayant participé aux deuxièmes Assises de l'Internet non marchand et solidaire.

L'AFNIC est une association dont les membres fondateurs sont l'INRIA, établissement public de recherche, ainsi que l'État, représenté par les ministères en charge des Télécommunications, de l'Industrie et de la Recherche. Elle comprend des membres prestataires (fournisseurs d'accès conventionnés par l'AFNIC et seuls habilités à enregistrer des noms de domaines dans l'espace .fr) ainsi que d'autres catégories de membres.

La proposition de tarification unique porte sur les membres prestataires. Leur situation actuelle, uniquement déterminée par le tarif de la convention, prévoit deux options de cotisation. L'option 1 fixe la cotisation annuelle à 14.000 F HT et un coût de 170 F HT par domaine créé par le prestataire sous .fr, l'option 2 implique une cotisation annuelle de 1.400 F HT et un coût de 520 F HT par domaine. La nouvelle proposition vise à fusionner les deux options, avec une cotisation de 9.500 F HT et un coût par domaine de 119 F HT. Pour faciliter la transition lucidement prévue comme douloureuse, l'AFNIC propose dans un premier temps une tarification unique pour l'année 2001 se montant à 1.400 F HT.

Cette proposition soulève une tempête parmi les petits prestataires adhérents selon l'option 2, qui font valoir que cette mesure les exclut au profit des quelques gros prestataires capables d'assumer financièrement ce changement, sans toujours remettre en cause le principe même du conventionnement des prestataires auprès de l'AFNIC.

L'association IRIS rappelle, à l'occasion de cette proposition de modification du fonctionnement de l'AFNIC, que :

- l'AFNIC n'a aucune légitimité à s'approprier l'espace de nommage .fr, qui, en tant que bien public, doit être administré dans l'intérêt général et non dans celui de l'AFNIC et de ses membres ;
- l'AFNIC ne s'engageant à aucune obligation autre que la détention de l'autorité et de la gestion du « nommage » ainsi que de l'exploitation du système de noms de domaine pour la zone .fr et la coordination nationale et internationale de ce système, elle n'a nullement besoin de recettes financières provenant d'adhésions à un tarif dont la justification reste obscure ;
- l'AFNIC, soutenue par ses membres fondateurs dont l'État, fixe de façon unilatérale une « charte de nommage », dont l'examen révèle à la fois des préoccupations administratives centralisatrices et une conception des plus puritaine des « mauvais mots ». Le ridicule de cette liste de « mots interdits » ne doit pas faire oublier que l'existence même d'une liste noire présuppose qu'un simple nom peut constituer en soi un délit. Il s'agit donc là d'une atteinte à ce que l'on pourrait qualifier de « degré zéro de la liberté d'expression » ;
- l'AFNIC est entrée depuis longtemps en France dans le même dangereux processus que l'ICANN au niveau international, dont la visée est de devenir un véritable « gouvernement d'Internet », avec un pouvoir allant bien au-delà de la simple gestion technique du système de noms de domaine.

En conséquence, IRIS considère le fonctionnement et les agissements de l'AFNIC comme une véritable captation de bien public à son profit et celui de ses plus gros adhérents, cautionnée par l'État. C'est pourquoi IRIS demande avec la plus grande énergie :

- la reconnaissance de l'espace .fr comme un bien public, dont la gestion et le devenir appartiennent à la collectivité, et par conséquent la suppression de la nécessité d'adhésion à l'AFNIC pour décider de ce bien public, ce qui doit se faire dans des conditions transparentes et démocratiques ;
- l'arrêt du processus de privatisation de ce bien public c'est-à-dire la suppression de toute nécessité de conventionnement par l'AFNIC pour les prestataires ;
- la révision des statuts et les prérogatives de l'AFNIC, de sorte que l'AFNIC ne soit plus une association selon la loi de 1901, mais un opérateur de service public d'enregistrement de tous les noms de domaine, y compris les noms génériques de premier niveau au même titre que d'autres organismes d'enregistrement de ces noms, en lui conservant le monopole de la coordination technique de l'espace .fr ;
- la définition de ce service, par son mode de tarification et son ouverture à tous, comme tout service public, notamment du point de vue d'une péréquation tarifaire entre les bénéficiaires de sous-domaines selon leur classification par secteur. En particulier, le secteur non lucratif et non marchand devra bénéficier d'un tarif nominal, le plus bas possible, de même que les individus ;
- le réexamen en profondeur et dans la transparence des comptes de l'AFNIC, et du coût réel du service actuellement fourni, ainsi que du coût nécessaire à la mise en place du service public d'enregistrement des noms de domaines ;
- l'attribution par l'État, garant des biens publics collectifs et de leur bonne gestion, en fonction des résultats de cet examen, des crédits de fonctionnement nécessaires, notamment en terme de personnel mis à disposition.

Ces revendications ont déjà été inscrites dans les « 85 recommandations pour un Internet démocratiques en l'an 2000 » adressées en novembre 1999 par IRIS au gouvernement dans le cadre de la consultation sur le futur projet de loi « société de l'information ». Elles ont été soutenues par de nombreux acteurs de l'Internet non marchand et solidaire, qui les ont reprises dans leur motion également adressée au gouvernement en novembre 1999.

Ces revendications de mise en place en France d'un service public des noms de domaine sont les seules susceptibles de limiter les spéculations de toutes sortes sur les noms de domaine, qu'il s'agisse du domaine géographique .fr ou des domaines génériques de premier niveau.

Références :

- Rapport IRIS : « 85 recommandations pour un Internet démocratique en l'an 2000 ». Novembre 1999. http://www.iris.sgdg.org/documents/rapport-lsi/

- Deuxièmes Assises de l'Internet non marchand et solidaire : « Motion des participants ». Novembre 1999. http://www.assises.sgdg.org/motion-finale-assises99.html

- Site de l'AFNIC. http://www.nic.fr

- AFNIC : « Charte de nommage de la zone .fr ». http://www.nic.fr/enregistrement/nommage.html

- AFNIC : « Liste des termes fondamentaux » non utilisables pour un nom de domaine dans la zone .fr. http://www.nic.fr/enregistrement/fondamentaux.html

- Site de l'ICANN. http://www.icann.org

- AFNIC : « Gouvernance de l'Internet ». http://www.gouvernance-internet.com.fr/

Contact IRIS :

Meryem Marzouki - Meryem.Marzouki@iris.sgdg.org - Tel/Fax : 0144749239

(dernière mise à jour le 16/06/2019) - webmestre@iris.sgdg.org