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[FR] Caucus DDH - Commentaires Volet Politique et Partie Operationnelle



Chers tous,

Veuillez trouver ci-dessous la version française des commentaires du caucus des droits de l'homme sur le Volet Politique et la Partie Opérationnelle. Le document en Français et en Anglais est en ligne à:

[FR/HTML]: http://www.iris.sgdg.org/actions/smsi/hr-wsis/hris-gfc-040305-fr.html
[FR/PDF]: http://www.iris.sgdg.org/actions/smsi/hr-wsis/hris-gfc-040305-fr.pdf
[EN/HTML]: http://www.iris.sgdg.org/actions/smsi/hr-wsis/hris-gfc-040305-en.html
[EN/PDF]: http://www.iris.sgdg.org/actions/smsi/hr-wsis/hris-gfc-040305-en.pdf


[Pour les membres du caucus DDH: toute traduction de cette version finalisée est la bienvenue. Afin d'éviter d'inutiles duplications, veuillez annoncer sur la liste du caucus vos intentions de traduction. Merci.]

Meryem Marzouki
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Commentaires sur le Volet Politique et la Partie Opérationnelle
Contribution du Caucus des Droits de l'Homme
aux Travaux du Groupe d'Amis du Président
4 mars 2005

[NB. Cette contribution porte sur les versions disponibles au 4 mars 2005 du Volet Politique et de la Partie Opérationnelle, c'est-à-dire les versions respectivement en date des 20 janvier 2005 et 25 février 2005]

I. Concernant le Volet Politique

Le cadre des droits de l'homme est mentionné dans le paragraphe d'ouverture du Volet Politique, mais aucune autre référence n'y est faite dans le texte. Le défi auquel nous faisons face dans le développement de la société de l'information n'est pas seulement de réaffirmer des traités internationaux déjà existants et relatifs aux droits de l'homme, mais d'utiliser les techniques de l'information et de la communication pour améliorer l'implémentation effective au niveau national des standards en matière de droits de l'homme. Puisqu'il a été convenu que le cadre des droits de l'homme constitue le point de départ pour le développement de la société de l'information, comme affirmé dans la Déclaration de principes du SMSI, la phase de suivi doit relever le défi de rapprocher les peuples et les nations des standards en matière de droits de l'homme, tels que définis par la Déclaration universelle des droits de l'homme, et comprenant les deux Pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques (PDCP) et aux droits économiques, sociaux et culturels (PDESC).

Une approche fondée sur les droits de l'homme implique que les standards en matière de droits de l'homme comme le développement humain et social, la démocratie, la participation et l'État de droit, soient considérés comme les repères de développement des objectifs et mesures du progrès. L'état de la réalité des droits de l'homme dans un contexte national donné est l'indicateur du niveau de développement, des libertés, de la démocratie et de l'État de droit. Jusqu'ici, les mesures de progrès proposées ont été focalisées sur l'infrastructure, mettant peu l'accent sur, par exemple :
- Le développement humain (mesures des progrès en matière de santé, d'éducation, de niveau de vie, et d'intégrité)
- Le développement social et culturel (mesures d'amélioration des conditions économiques et de l'emploi, ainsi que de la diversité, y compris la diversité culturelle et linguistique)
- La démocratie (mesures de conformité avec les standards en matière de liberté d'expression, d'accès à l'information, de protection de la vie privée, de pluralisme des médias, de transparence, de participation aux processus de décision et de renforcement des capacités locales)


De surcroît, un environnement réglementaire respectueux des droits de l'homme doit être assuré tant au niveau national qu'international afin que les droits de l'homme puissent être effectivement respectés. En d'autres termes, il doit être clairement affirmé que la réglementation nationale et régionale en matières de TIC doit être conforme aux standards internationaux en matière de droits de l'homme.

La protection de certains droits n'a pas été suffisamment reflétée par la première phase, comme le caucus des droits de l'homme l'a souligné à de nombreuses occasions. C'est particulièrement le cas concernant le droit à la vie privée, les droits des travailleurs, et le principe de non discrimination.

Il manque à la Déclaration de principes du SMSI une référence au principe fondamental et transverse de non discrimination, qui aurait dû être mentionné dans l'un des paragraphes d'ouverture, ainsi qu'une référence aux standards internationaux en matière de droit du travail.

S'agissant de la vie privée et de la sécurité, le caucus des droits de l'homme est préoccupé par le défaut de focalisation sur la protection de la vie privée ; la Déclaration de principes du SMSI est quasi entièrement concentrée sur les menaces sur la sécurité nationale et sur le cybercrime. Le débat sur la sécurité aurait pu progresser par la reconnaissance claire qu'une vraie sécurité ne peut être atteinte que grâce à des mesures entièrement compatibles avec les standards internationaux en matière de droits de l'homme, particulièrement le droit à la vie privée.

Un autre problème crucial en matière de droits de l'homme est lié au paragraphe relatif à la « création d'un environnement propice » et à l'État de droit, dans lequel il est dit que le cadre réglementaire doit refléter les réalités nationales. Le caucus des droits de l'homme demeure profondément préoccupé du fait que l'État de droit et le cadre réglementaire soient supposés « refléter la situation réelle des pays » plutôt qu'être en cohérence avec les obligations légales des États découlant des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme qu'ils ont ratifiés.

Il est nécessaire de remédier à ces lacunes par la prise en compte de ces questions dans les paragraphes appropriés du Volet Politique et de la Partie Opérationnelle.

Nous sommes en outre préoccupés par la formulation actuelle du paragraphe d'ouverture, dissociant le développement des droits de l'homme. Comme l'affirme la Déclaration de Vienne, les droits de l'homme sont universels, indissociables, interdépendants et intimement liés, signifiant qu'il ne saurait y avoir de développement sans démocratie, ni de démocratie sans développement. Les objectifs de développement du Millénaire et la réalisation des droits de l'homme sont interdépendants et constituent des conditions de progrès mutuel. Les droits de l'homme ne sont pas une question sectorielle, seulement pertinente pour certains intérêts particuliers, mais l'un des objectifs essentiels des Nations Unies, selon la charte de l'Organisation.

Dans le contexte de la société de l'information, la pleine réalisation des droits de l'homme, comme la liberté d'expression, l'accès à l'information et au savoir, etc., est essentielle à l'éducation, au renforcement de la capacité des citoyens, à la participation démocratique, à l'égalité des chances, à la diversité culturelle et linguistique, au développement économique et à l'innovation, menant au bien-être social global. Partout où les droits de l'homme sont violés, cela produit un impact négatif sur le niveau de développement.

La pauvreté extrême et les disparités massives dans l'accès à l'information et aux moyens de communication sont à la fois une cause et une conséquence d'une répartition inéquitable des richesses entre les différents pays et au sein de ceux-ci. Cela diminue fortement la capacité des personnes à jouir de leurs droits, particulièrement du droit à un niveau de vie acceptable, et cela empêche le développement social et économique.

De plus, même dans le contexte d'un pays développé, partout où la surveillance, le contrôle et la censure sont exercés, partout où la législation et la réglementation administrative résulte en une insécurité juridique et des atteintes à l'État de droit, cela produit un impact négatif important sur le développement d'Internet et la confiance des utilisateurs, ainsi que sur l'économie des services de la société de l'information. En outre, les conditions de travail et une réglementation conforme aux standards en matière de droits de l'homme, en premier lieu le respect de la vie privée sur le lieu de travail, sont essentielles à la création d'une économie soutenable de la société de l'information, aux niveaux micro et macro-économique.

Nous sommes également profondément préoccupés par le fait que le Volet Politique ne comporte qu'une brève référence, dans son quatrième paragraphe, aux mécanismes de financement et à la gouvernance d'Internet, alors que ces deux questions sont centrales dans cette seconde phase.

Les ressources financières sont un instrument de contrôle du pouvoir, et de ce fait affectent la réalisation des droits de l'homme. Les droits de l'homme peuvent être littéralement étranglés par l'absence de moyens financiers. Le mode de mise en oeuvre, de contrôle et de définition des priorités doit être conforme aux objectifs de participation des citoyens et des communautés locales aux affaires publiques et de juste répartition des ressources, de manière à permettre le renforcement des capacités des individus et des groupes, particulièrement les plus exposés, marginalisés et vulnérables.

La gouvernance d'Internet a un impact important sur les droits de l'homme et la démocratie. Que la gouvernance d'Internet soit définie selon une vision restrictive ou large, elle comporte des enjeux importants, ne serait-ce que pour les questions de droits de l'homme telles que la vie privée, la liberté d'expression, l'accès à l'information et le domaine public de la connaissance. Toute décision résultant du SMSI relativement aux organes et mécanismes de gouvernance d'Internet doit assurer leur conformité aux exigences en matière de droits de l'homme, tant par leur composition et leurs propres structures de gouvernance que par l'évaluation régulière de leurs décisions. La gouvernance d'Internet ne doit pas résulter en une zone de non droit échappant à la protection internationale des droits de l'homme.

En outre, la topographie actuelle d'Internet, en termes de voies de communication internationales et d'accords sur les tarifs de trafic international, résulte en une répartition inéquitable des ressources et en des disparités massives concernant les coûts. La nécessité d'une renégociation équitable des accords bilatéraux et multilatéraux doit par conséquent être soulignée, en tant que moyen de promotion des objectifs des Nations Unies pour le Millénaire et de réalisation des engagements pris dans la Déclaration de principes du SMSI.

II. Concernant la Partie Opérationnelle

Alors que cette seconde phase vise à faire du SMSI un Sommet de solutions durables, nous regrettons que la Partie Opérationnelle manque de cibles concrètes, d'objectifs et d'indicateurs servant à mesurer les mises en oeuvre au niveaux national et international.

À l'issue du Sommet de Genève, le caucus des droits de l'homme a souligné qu'au-delà des principes demeure la question de la mise en oeuvre : sans réalisation effective, les principes resteront en effet privés de substance. Le Plan d'Action de Genève était déjà dénué de tout mécanisme pour la progression de l'agenda des droits de l'homme, et nous sommes profondément préoccupés par le fait que la Partie Opérationnelle de cette seconde phase ne montre aucun progrès tangible à cet égard.

Les droits de l'homme constituent des standards pour la mesure du progrès économique et social et pour tenir les États comptables de leurs décisions. Ils doivent être utilisés comme critères de suivi de la mise en oeuvre aux niveaux national des objectifs politiques de la Déclaration de principes du SMSI.

Le caucus des droits de l'homme émet les propositions suivantes, pour inclusion dans les paragraphes concernés de la Partie Opérationnelle :

(Chapitre Un, Paragraphe 7)
Des indicateurs précis devraient être définis, afin d'évaluer la réalisation effective d'une société de l'information protégeant et promouvant les droits de l'homme. Ceux-ci devraient constituer les critères permettant de mesurer le progrès et d'évaluer les législations et politiques publiques nationales. Comme nous l'avons affirmé dans nos commentaires concernant le Volet Politique, les objectifs de développement du Millénaire et la réalisation des droits de l'homme sont interdépendants et constituent des conditions de progrès mutuel. Ces indicateurs de la réalisation des droits de l'homme sont par conséquent une composante nécessaire des indicateurs globaux permettant de mesurer l'apport des TIC pour le développement.


(Chapitre Un, Paragraphe 10)
Une Commission indépendante sur la société de l'information et les droits de l'homme, composée d'experts hautement qualifiés ayant une large représentation géographique, devrait être mise sur pied pour contrôler et évaluer les pratiques et politiques en matière de droits de l'homme dans la société de l'information. Cela est particulièrement urgent, étant donné la tendance dans plusieurs pays - du Nord comme du Sud - à sacrifier les droits de l'homme au nom de la « sécurité ».
Cette proposition pourrait être incluse dans le paragraphe 10 de la Partie Opérationnelle, dans lequel il est indiqué qu'« une équipe constituée de parties prenantes » sur chacune des grandes orientations serait utile à la promotion du suivi et de la mise en oeuvre de la Déclaration de principes du SMSI.
Une Commission en charge du contrôle et de la promotion des standards en matière de droits de l'homme dans la société de l'information pourrait être un mécanisme très utile à la réalisation de cet objectif, dans le cadre d'une grande orientation dédiée aux droits de l'homme (voir ci-dessous notre proposition concernant les grandes orientations). Nous recommandons que le Haut-Commissariat des Nations aux droits de l'homme assure la coordination des travaux d'une telle équipe, et que ses constats et recommandations soient inclus dans le rapport annuel de cet organe des Nations Unies.


(Chapitre Un, Paragraphe 11)
Parmi les options proposées pour la détermination d'un organe de coordination globale, le caucus des droits de l'homme favorise la proposition d'équipe spéciale interinstitutions des Nations Unies nouvellement créée. Aucune des divisions ou agences des Nations Unies existantes ne dispose, à elle seule, d'un champ d'action suffisamment large pour prendre en charge le caractère transverse des questions traitées dans la Déclaration de principes du SMSI. De plus, la diversité des organisations de la société civile participant au processus du SMSI, de même que le nombre et la variété des organisations intergouvernementales prenant part à ce processus, rend évidente la nécessité de création d'un organe nouveau et transverse (tant en termes thématique que régional), de sorte que son caractère inclusif devienne une réalité. En outre, une équipe spéciale interinstitutions des Nations Unies devrait être préférée à un simple forum du type groupe d'étude des Nations Unies sur les TIC, en ce que la première permettrait des engagements réels, un meilleur suivi des décision de mise en oeuvre, tout en faisant preuve de plus de transparence et de plus de capacités à rendre des comptes.


(Chapitre Deux, Paragraphe 20)
L'éducation aux droits de l'homme devrait être explicitement incluse dans la Partie Opérationnelle. L'éducation aux droits de l'homme est essentielle pour que les personnes connaissent effectivement leurs droits et réclament leur application, et tout programme de renforcement des capacités doit comprendre une composante d'éducation aux droits de l'homme pour être complet et produire des résultats effectifs. En accord avec la Décennie des Nations Unies pour l'éducation aux droits de l'homme et en lien avec le SMSI, l'éducation aux droits de l'homme devrait être promue comme partie intégrante des cursus de formation, avec un accent spécifiquement mis sur les défis en matière de droits de l'homme dans la société de l'information.


(Chapitre Deux, Paragraphe 37)
Une initiative en faveur d'études d'impact des investissements internationaux sur les droits de l'homme devrait être lancée. Une étude d'impact sur les droits de l'homme fournit des éléments d'analyse essentiels pour tout investissement majeur. Elle peut aider les décideurs à faire en sorte que les investissements viennent renforcer les droits de l'homme, plutôt que les éroder ; elle peut aider les milieux d'affaires à prendre de meilleures décisions à long terme ; elle peut aider les organismes de la société civile à obtenir réparation pour tous ceux dont les droits ont fait l'objet de violations. À l'instar des études d'impact environnemental auxquelles sont assujettis les grands projets industriels, nous considérons qu'il faudrait soumettre ces mêmes projets à une évaluation en profondeur de leur impact sur la situation des droits de l'homme.


(Annexe: Grandes orientations, C10)
Nous demandons le remplacement de la grande orientation C10 actuelle (« Dimensions éthiques de la société de l'information ») par une grande orientation dédiée aux droits de l'homme dans la société de l'information.
Tout d'abord, bien que les droits de l'homme sont effectivement une question transverse, qui doit constituer la base fondamentale de tout développement et de toute évaluation selon toutes les grandes orientations définies, nous considérons que la pleine réalisation des droits de l'homme dans le contexte de la société de l'information nécessite de prendre des initiatives spécifiques, telles que celles proposées par le caucus des droits de l'homme dans cette contribution.
De plus, l'absence d'une quelconque grande orientation dédiée aux droits de l'homme dans la version actuelle de l'annexe de la Partie Opérationnelle est une lacune grave et inacceptable. S'il n'y est pas remédié, un tel défaut signifierait que la seconde phase du SMSI rompt déjà l'engagement pris lors de la première phase du SMSI, à savoir celui de bâtir une société de l'information fondée sur les droits de l'homme.
Enfin, comme le caucus des droits de l'homme l'a déjà souligné, dans une déclaration commune avec le groupe de travail de la société civile sur la vie privée et la sécurité (« Commentaires sur le document non officiel produit par le Président du processus préparatoire du SMSI après la PrepCom3, 28 octobre 2003), la notion de « principes éthiques » ou de « dimensions éthiques » est trop large et trop vague, et peut donner lieu à des utilisations incorrectes, par exemple en termes de censure et de violations de droits fondamentaux comme le droit à la liberté d'expression et le droit à la vie privée. En accord avec notre proposition concernant le chapitre un, paragraphe 10, la coordination de cette grande orientation dédiée aux droits de l'homme dans la société de l'information devrait être assurée par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme.