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Date: Sun, 23 Jan 2000 18:54:24 +0100
Subject: Senat : les fournisseurs Internet deviendraient a la fois policiers, juges et censeurs


Bonsoir à tous,

Le Sénat vient de dénaturer gravement l'amendement Bloche sur la
responsabilité des fournisseurs Internet. Vous trouverez ci-dessous le
communiqué de presse d'Iris dénonçant cette dérive lourde de dangers à
propos du rôle des fournisseurs, et ce qu'elle implique pour les droits
fondamentaux des citoyens.

Adresse de ce communiqué sur le site web d'Iris :
http://www.iris.sgdg.org/info-debat/comm-senat0100.html
Dossier complet d'Iris sur la loi sur la liberté de communication :
http://www.iris.sgdg.org/actions/loi-comm (régulièrement mis à jour)

Meryem Marzouki (IRIS)
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Iris dénonce une dérive lourde de dangers :
avec le Sénat, les fournisseurs Internet deviendraient à la fois policiers,
juges et censeurs

Communiqué de presse d'IRIS - 23 janvier 2000

Le Sénat vient de dénaturer l'amendement Bloche sur la responsabilité des
fournisseurs d'accès et d'hébergement Internet en adoptant le 19 janvier
2000, malgré l'opposition de la minorité sénatoriale (PS et CRC) ainsi que,
dans une certaine mesure, celle du gouvernement, les modifications
proposées par la commission des affaires culturelles. Il s'agit là d'un
grave recul par rapport au vote des députés le 27 mai 1999.

L'adoption des propositions de la commission des affaires culturelles
implique quatre conséquences graves :

1. Internet serait considéré comme un service de communication
audiovisuelle, et un fâcheux amalgame est produit par la dénomination «
services de communication audiovisuelle fournis sur un réseau en ligne ».
Quand on sait l'évolution rapide des techniques et de la convergence de
leur utilisation, seule la distinction entre communication publique et
correspondance privée peut demeurer pertinente pour les services en ligne.
Cette distinction était retenue par l'amendement Bloche. Il y a par
ailleurs une incohérence certaine de la part du Sénat à entériner
l'abrogation de la déclaration préalable de sites auprès du CSA, tout en
amalgamant Internet aux services de communication audiovisuelle.

2. Les prestataires de ces « services de communication audiovisuelle
fournis sur un réseau en ligne » seraient tenus de vérifier l'identité de
leurs abonnés et de conserver les données de connexion à leurs services, là
où l'amendement Bloche n'implique que de transmettre, à l'autorité
judiciaire et sur sa demande, les éléments d'identification en possession
des fournisseurs qui en assurent directement le stockage
Un grave danger pour la protection des données personnelles et de la vie
privée est ainsi introduit. De plus, la mise en place de cette procédure
policière interdirait la fourniture gratuite d'accès ou d'hébergement. Plus
préoccupant encore, cette disposition mettrait fin à l'existence de
fournisseurs indépendants, notamment ceux du secteur non marchand, dont les
ressources humaines et financières ne pourraient assumer cette charge.

3. La responsabilité des fournisseurs d'accès, de service ou d'hébergement
serait engagée s'ils refusaient de fournir l'identité des auteurs de
contenus à des « tiers justifiant d'un intérêt légitime ».
Quels tiers ? Le vague de la formule permettrait à quasiment n'importe qui
de se présenter auprès d'un fournisseur, de se réclamer, par un quelconque
procédé, d'un intérêt légitime que le fournisseur n'est de toutes façons ni
capable ni autorisé à apprécier, et d'obtenir par intimidation du
fournisseur ou de l'auteur du site le retrait de tout contenu qui lui
serait désagréable.

4. La responsabilité des fournisseur d'hébergement serait aussi engagée
dans le cas où ils auraient eu connaissance du caractère illicite d'un
contenu, et n'auraient pas mis en demeure leur auteur de le retirer.
Le Sénat voudrait ainsi vider de son sens l'amendement Bloche, qui ne
reconnaît la responsabilité du fournisseur d'hébergement que dans le cas où
il refuse d'obtempérer à l'injonction d'un juge. Faut-il rappeler que seule
l'autorité judiciaire est habilitée à décider du caractère illicite d'un
contenu ?

Non content de ces dispositions introduites par la commission des affaires
culturelles, le sénateur Michel Pelchat (RI) a obtenu l'adoption d'un
sous-amendement introduisant deux autres cas d'engagement de la
responsabilité du fournisseur. Ce dernier serait en droit de modifier les
contenus, voire dans l'obligation de le faire pour se protéger lui-même !
L'argumentation en faveur de ce sous-amendement a clairement montré lors
des débats le privilège accordé aux intérêts commerciaux, au mépris des
droits élémentaires.

Enfin, un « Conseil supérieur des technologies de l'Information » a été
institué, sur proposition des sénateurs Pierre Laffitte (RDSE), Louis de
Broissia (RPR) et René Trégouët (RPR). À vocation bien large, ce CSTI
serait composé de dix sénateurs, dix députés, et cinq personnalités
qualifiées désignées par les ministres en charge des télécommunications et
de la communication audiovisuelle. Outre une fonction de veille, ce CSTI
pourrait adresser avis et recommandations au gouvernement, mais aussi au
CSA et à l'ART.
Il est curieux que le Sénat considère que des autorités administratives
indépendantes aient des avis à recevoir : leur rôle est plutôt d'en donner.
Par ailleurs, les débats concernant le CSTI ont montré d'une part que le
gouvernement a déjà décidé de l'existence et des prérogatives de
l'organisme de corégulation d'Internet, alors même que la mission confiée
au député Christian Paul est loin d'être achevée, et d'autre part que la
bataille est déjà rude pour l'instauration de rapports de force au sein de
cet organisme.
On serait tenté de rire devant ces ridicules gesticulations des uns et des
autres, si ce mépris du processus démocratique n'était pas si grave de
conséquences.

IRIS avait qualifié le vote de l'Assemblée nationale de « vote en faveur de
la démocratie et des libertés ». Bien plus que l'anéantissement de ce
progrès, le vote du Sénat introduit des dispositions des plus
réactionnaires, et instaure le fournisseur d'accès et d'hébergement
policier, juge et censeur.

Alors que des jugements condamnent des fournisseurs d'hébergement (affaire
Halliday c./ Altern, affaire du TGI de Nanterre), alors que des plaintes
récentes les mettent en cause (La Poste c./ Altern), quand ils ne sont
qu'intermédiaires techniques, ce vote du Sénat augmente encore la confusion
dans le pays et implique de graves atteintes aux droits fondamentaux et aux
libertés publiques. Ce n'est pas ce que le citoyen attend du législateur.

IRIS espère que l'Assemblée nationale saura rejeter ces dispositions
introduites par le Sénat, afin de rétablir la démocratie et le respect des
libertés. Cela ne peut se concevoir par l'adoption des propositions du
gouvernement, exprimées dans son document d'orientation pour un cadre
législatif de la société de l'information, car elles ne sont qu'une version
atténuée des dispositions adoptées par le Sénat. Seul le rétablissement de
l'amendement Bloche, étendu à la responsabilité pénale, marquerait le
retour à l'État de droit et l'inutilité d'un quelconque organisme de
corégulation, forcément anti-démocratique et anti-républicain.

Pour plus d'information :

- Dossier d'IRIS : « loi sur la liberté de communication ».
- Première lecture à l'A.N. : « Adoption des amendements Bloche : un vote
en faveur de la démocratie et des libertés ». Communiqué IRIS, 31 mai 1999.
- Dépôt à l'A.N. : « Amendements Bloche : l'espoir d'un Internet
démocratique ». Communiqué IRIS, 18 mai 1999.
- Affaire TGI Nanterre : « Fournisseurs d'hébergement : ni responsables, ni
coupables, mais solvables ». Communiqué IRIS,16 décembre 1999.
- Affaire Halliday c./ Altern : « Non à la mort annoncée de l'Internet non
marchand et de l'expression indépendante ». Communiqué IRIS, 15 février
1999.

Contact IRIS :
Meryem Marzouki (Meryem.Marzouki@iris.sgdg.org) - Tél : 0144749239

--
Meryem Marzouki - Pages personnelles : http://asim.lip6.fr/~marzouki
IRIS - 294 rue de Charenton, 75012 Paris, France
Tel/Fax: +33(0)144749239 - http://www.iris.sgdg.org



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