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Date: Thu, 16 Dec 1999 12:16:06 +0100 
Subject: [IRIS] Fournisseurs d'hebergement : ni responsables, ni coupables, mais solvables

Bonjour à tous,

Vous trouverez ci-après le communiqué de presse d'IRIS, publié suite à
la décision rendue par le TGI de Nanterre le 8 décembre. Cette
décision est très préoccupante pour l'avenir des fournisseurs
d'hébergement à Internet, et rend encore plus flou, par sa
signification, le débat sur la responsabilité des intermédiaires
techniques. Par ricochet, la responsabilité des intermédiaires
techniques influe sur la possibilité de chacun à s'auto-publier sur
Internet, en assumant entièrement ses propres responsabilités. 

Pour IRIS, Meryem Marzouki.
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                   Fournisseurs d'hébergement :
          ni responsables, ni coupables, mais solvables

          Communiqué de presse d'IRIS - 16 décembre 1999



Le Tribunal  de Grande Instance de Nanterre  a rendu le 8 décembre
1999  une  décision [1]  particulièrement  anachronique  dans  une
affaire  d'atteinte  au  droit  à  l'image  par  reproduction  non
autorisée de photos sur des sites Web.

Précisons  tout   d'abord  que  le  droit   à  l'image  n'est  pas
contestable, et  que toute atteinte à  ce droit mérite jugement et
réparation. Nous ne l'avons  pas contesté dans le cas de l'affaire
Altern [2], nous ne le contestons pas plus ici.

Cela étant  posé et au-delà de  l'affaire elle-même, l'association
IRIS rappelle ses positions [3] :

     1. Sur le contrôle a priori des contenus :

     Considérer qu'un  intermédiaire technique d'hébergement a une
     obligation de  vigilance, en  contrôlant systématiquement les
     contenus dont il assure  l'hébergement n'est pas sérieux. Une
     telle position est en  contradiction à la fois avec le simple
     bon sens, avec les  constats de tous les experts techniques, avec
     les  décisions  précédemment  rendues  en  France,  avec  les
     orientations du  futur projet de loi  français sur la société
     de  l'information,  et  avec  l'article 15  de  la  Directive
     européenne  sur le  commerce électronique (certes  non encore
     adoptée) [4].

     2. Sur la vérification de l'identité des auteurs de sites :

     Les  fournisseurs  d'accès  à  Internet,  en  possession  des
     données  de connexion,  sont à  même de fournir  à l'autorité
     judiciaire   ces    informations   en    vue   de   permettre
     l'identification de  l'auteur d'un  contenu. Faire obligation
     aux   fournisseurs   d'hébergement   de  vérifier   eux-mêmes
     l'identité  de leurs  utilisateurs ne  répond donc pas  à une
     finalité  légitime. En  outre,  une telle  demande revient  à
     supprimer, de fait, toute possibilité de création automatique
     de sites Web, gratuite ou non, marchande ou non.

     3. Sur le contrôle a posteriori des contenus :

     Les  intermédiaires   techniques,  organismes  privés,  n'ont
     aucune capacité  à juger  de la légalité  d'un contenu qu'ils
     hébergent.  Les inciter,  par la  menace et la  coercition, à
     supprimer  l'accès à  un contenu  qui leur est  signalé comme
     présumé illégal, et donc  avant même tout jugement rendu, est
     un grave  danger pour la démocratie.  Les projets d'organisme
     de  corégulation,   forcément  contrôlé  par  les  principaux
     acteurs privés, présentent ces mêmes dangers d'institution de
     la censure.

Assimiler un fournisseur  d'hébergement à un responsable éditorial
du seul  fait de son rôle  d'intermédiaire technique procède d'une
pensée  réactionnaire  en ce  qu'elle  ne peut  pas supporter  que
chacun   s'exprime   sur   Internet   en  assumant   ses   propres
responsabilités. Cette démarche favorise  en outre la vénalité des
demandes, en  ce qu'elle  ne cherche pas  le coupable, ni  même le
responsable, mais assure de  trouver un « débiteur solvable » dans
le fournisseur  d'hébergement. Une atteinte au  droit ne se répare
pas  par une  injustice : c'est  là tout  le sens  de l'amendement
Bloche, visant justement à éviter ces dérives [5].

Cette recherche  d'un « débiteur  solvable » n'est pas  une vue de
l'esprit :  c'est exactement  en ces  termes que certains  se sont
exprimés  pour justifier  de la responsabilité  de l'intermédiaire
technique d'hébergement  lors de la réunion  de consultation du 24
novembre 1999 organisée par la Chancellerie sur ce thème.

Alors que  le processus  d'établissement d'une législation  sur la
responsabilité  des intermédiaires  techniques est bien  avancé en
France comme dans l'Union  européenne, alors que la ministre de la
Justice rappelle que le métier des magistrats est d'« appliquer la
loi et non [de] la  faire », il est particulièrement inquiétant de
constater  que des  jurisprudences contradictoires  à Puteaux [6],
Paris [7] ou  Nanterre [1] viennent perturber un  débat qui aurait
pu être serein.

Références :

[1] Décision du Tribunal de Grande Instance de Nanterre, rendue le
8 décembre 1999 dans l'affaire
Lacoste/Multimania-Cybermédia-SPPI-Esterel :
http://www.juriscom.net/jurisfr/lacoste.htm.

[2] « Altern  ou la double injustice »,  article de positionnement
d'IRIS, paru dans Libération du 5 mars 1999 :
http://www.liberation.com/quotidien/debats/mars99/990305d.html.

[3]  « 85 recommandations  pour un  Internet démocratique  en l'an
2000 », rapport IRIS novembre 1999 :
http://www.iris.sgdg.org/documents/rapport-lsi.

[4] Documents relatifs au  futur projet de « loi sur la société de
l'information » :
http://www.finances.gouv.fr/societe_information/index.htm.
Voir  aussi  le  texte  et  l'état d'avancement  de  la  Directive
européenne sur le commerce électronique :
http://www.europa.eu.int/comm/dg15/fr/media/eleccomm/eleccomm.htm.

[5] Dossier  d'IRIS sur la  loi sur la liberté  de communication :
http://www.iris.sgdg.org/actions/loi-comm/index.html.

[6]  Décision  du Tribunal  d'Instance  de Puteaux,  rendue le  28
septembre 1999 dans l'affaire AXA/Infonie :
http://www.afa-france.com/html/action/index_juris.htm.

[7] Décision  de la  Cour d'Appel de  Paris, rendue le  10 février
1999 dans l'affaire Hallyday/Altern :
http://www.legalis.net/jnet/.

Contact IRIS :

Meryem Marzouki (Meryem.Marzouki@iris.sgdg.org) - Tél : 0144749239
Site Web d'IRIS : http://www.iris.sgdg.org.

-- 
Meryem Marzouki - Pages personnelles : http://asim.lip6.fr/~marzouki
IRIS - 294 rue de Charenton, 75012 Paris, France 
Tel/Fax: +33(0)144749239 - http://www.iris.sgdg.org


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