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Date: Ven 12 avr 2002 12:05:56 Europe/Paris
Subject: Gouvernance de l'internet : quelle légitimité pour l'ICANN ?

Gouvernance de l'internet : quelle légitimité pour l'ICANN ?
Par Pascal Fortin*

Si l'internet apparaît comme un dispositif technique a-centré au niveau de ses usages, il comporte également de nombreux goulots d'étranglement qui induisent une gestion centralisée de certains aspects de son mode de fonctionnement. Au même titre que n'importe quel autre réseau technique, la pérennité de l'internet repose en effet sur la définition d'un ensemble de règles d'interopérabilité entre ses composantes permettant d'assurer la cohérence du dispositif. La particularité de l'internet dans ce domaine tient à l'existence d'un lacis de structures plus ou moins formelles qui sont toutes installées aux États-Unis, dont les contours, les missions et les articulations sont flous, mais dont la combinatoire joue un rôle essentiel dans la gouvernance de l'internet.

Afin d'assurer le fonctionnement de ce dispositif, un certain nombre de paramètres techniques sont indispensables. Chaque machine connectée à l'internet doit ainsi pouvoir être identifiée de manière univoque. C'est l'adresse numérique IP qui constitue l'identifiant unique de ces machines. L'adresse IP est tout simplement l'équivalent pour l'informatique du numéro de téléphone.

À chaque adresse numérique IP correspond un nom de domaine, du type www.monsiteperso.com. L'avantage des noms de domaine par rapport aux adresses IP est de permettre de situer une machine sur l'internet en utilisant des lettres plutôt que des chiffres, ce qui les rend plus mémorisables et faciles à utiliser.

Chaque nom de domaine pointant vers un site web est transformé en adresse IP par des serveurs spécialisés qui gardent en mémoire la totalité des correspondances entre les noms de domaine et les adresses IP. Ces treize serveurs racines répartis dans le monde entier remontent tous à un serveur principal qui contient toutes les données de correspondance du réseau mondial et constitue ainsi le véritable épicentre de l'internet. Ce serveur principal est hébergé par l'entreprise NSI-Verisign qui en gère le fonctionnement sous l'autorité de l'ICANN.

L'ICANN est en effet l'organisme officiellement responsable de l'ensemble du système des adresses qui est plus couramment appelé DNS (« Domain Name system »). Or, suite à l'internationalisation et la marchandisation rapides de l'internet à partir du milieu des années 1990, le contrôle du DNS est devenu un enjeu politique et économique crucial. C'est pourquoi l'ICANN est aujourd'hui considéré comme la principale instance de gouvernance de l'internet.

1. Du mode d'existence des noms et des nombres sur l'internet

1.1. Le DNS avant l'ICANN

Dès les premiers développements des protocoles de communication informatique, le recours au adresses sémantiques facilement mémorisables pour localiser les ordinateurs connectés est apparu judicieux. Aux États-Unis, cette idée remonte à 1971, lorsque Peggy Karp a créé le premier répertoire de noms de domaine .

À partir de 1985, l'Institut des Sciences de l'Information de l'Université de Californie du Sud se voit officiellement confier par le Département de la Défense des États-Unis, la responsabilité de la gestion du DNS. La maintenance opérationnelle du DNS était alors entre les mains de Jon Postel en tant que responsable d'une entité ad hoc appelée l'IANA (pour « Internet Assigned Numbers Authority »). Le financement de l'IANA était assuré par une bourse attribuée par le Département de la Défense à l'Université de Californie du Sud.

En 1993, la National Science Fondation remplace le Département de la défense comme source de financement du DNS. Face à l'explosion de la demande de noms de domaine, la National Science Fondation décide aussitôt de transférer la gestion opérationnelle du DNS à l'entreprise NSI (Network Solution Inc.).

La NSI se voit alors notamment confier la responsabilité opérationnelle d'héberger le serveur racine principal et d'enregistrer moyennant paiement les noms de domaine en .com, .net et .org en se basant sur le principe du « premier arrivé premier servi ». Néanmoins, si cet accord donnait à l'entreprise NSI le contrôle opérationnel du système des adresses, cette société restait légalement sous l'autorité de Jon Postel et de l'IANA.

Très rapidement, le monopole de NSI sur l'attribution des noms de domaine en .org, .net et surtout .com, son statut de société à but lucratif, et enfin son mode controversé de gestion des conflits de propriété sur les noms de domaine, ont suscité de nombreuses polémiques.

Créée en 1992 par des pionniers de l'internet, l'ISOC (Internet Society) souhaitait prendre le contrôle opérationnel et décisionnel du DNS avec la complicité active de Jon Postel et de l'IANA. Par ailleurs, les gouvernements étrangers commençaient également à s'interroger sur la légitimité du contrôle d'une composante aussi cruciale de l'internet par le gouvernement des États-Unis. Enfin, les sociétés privées souhaitaient que l'articulation entre le droit des marques et l'enregistrement des noms de domaine soit clarifiée.

C'est pourquoi le président Clinton demandait officiellement en juillet 1997 au Département du Commerce (DoC) d'assurer la transition du système des adresses vers un système privé et concurrentiel. Suite à de multiples négociations, le DoC publiait finalement en juin 1998 un livre blanc comportant une « déclaration de politique générale » sur le DNS [1] qui reçut un accueil relativement favorable de la part des principaux acteurs concernés.

1.2. Du Livre blanc à la création de l'ICANN

Dans ce livre blanc, le DoC commence par définir les quatre principes de base qui doivent officiellement guider la réforme du DNS. Il s'agit :
- d'assurer la stabilité du système de manière à maintenir un environnement favorable au commerce ;
- d'introduire la compétition et les mécanismes du marché ;
- de privatiser la gestion du DNS en l'accompagnant de l'introduction d'un modèle bottom-up de prise de décision afin d'accroître la flexibilité du système ;
- et enfin d'assurer la représentativité des différentes structures de gestion du DNS afin de refléter la diversité des intérêts en présence et le caractère international de l'internet.

Le livre blanc appelait également de ses voeux la création « spontanée » d'une nouvelle société à but non lucratif représentative de l'ensemble des utilisateurs de l'internet dans le monde, qui aurait pour mission de prendre le contrôle de la gestion du DNS à la place de l'IANA.

Enfin, ce document comporte un certain nombre d'anticipations sur la politique à mettre en oeuvre par la nouvelle entité à créer. À titre d'exemples, il recommande :
- de créer de nouveaux noms de domaine génériques (gTLDs)
- de développer la concurrence sur l'enregistrement des noms de domaine
- ou encore de mettre en place un système spécifique de résolution de conflits sur la propriété des noms de domaine auquel tous les dépositaires de noms seraient obligés de se soumettre en cas de protestation de la part des détenteurs de marques.

Suite à la publication du Livre blanc, l'IANA et l'ISOC ont entamé des négociations plus ou moins secrètes en vue d'imposer leur propre plan auprès du DoC. À cette fin, Jon Postel avait engagé un avocat, Joe Sims, dont la mission consistait à rédiger les statuts de la nouvelle entité à créer. Joe Sims transmit finalement au DoC en octobre 1998 une proposition sur les contours de la société destinée à se substituer à l'IANA. Cette proposition comprenait bien sûr les statuts de ladite société appelée ICANN. Elle comprenait également la composition de son bureau intérimaire ainsi que les biographies de ses membres qui avaient été choisis dans le cadre d'intenses négociations privées notamment entre Postel, le gouvernement des États-Unis et l'Union européenne. Dès Le 25 novembre suivant, le DoC reconnaissait officiellement l'ICANN comme l'entité avec laquelle il allait travailler. Le contrat entre le DoC et l'ICANN stipule notamment que ces deux entités doivent collaborer pour réformer le DNS en assurant la transition de sa gestion vers le secteur privé [2].

2. La gouvernance de l'ICANN

Une bonne partie du débat au sujet de l'ICANN consiste à définir la nature de ses liens avec le DoC d'une part, ainsi que la nature de ses missions dans la gestion du DNS d'autre part. L'évocation de ces deux questions constitue le socle idéal pour mieux comprendre le type de gouvernance exercé par l'ICANN.

2.1. l'ICANN sous l'emprise du DoC

Officiellement, l'ICANN est une société privée à but non lucratif de droit californien sous contrat avec le DoC, dont l'ambition est « de devenir l'entité de consensus mondial chargée de coordonner la gestion du DNS ». Les articles d'incorporation de cet organisme indiquent notamment que l'ICANN a pour fonction « d'alléger le fardeau du gouvernement et de promouvoir l'intérêt public mondial dans la stabilité opérationnelle de l'internet » [3].

En fait, les relations entre le DoC et l'ICANN sont pour le moins ambiguës :
- d'un côté, le DoC affiche officiellement sa volonté de privatiser la gestion du DNS et évite d'intervenir ouvertement dans les décisions de l'ICANN ;
- de l'autre côté, le DoC garde le contrôle ultime sur le serveur racine principal hébergé par NSI-Verisign, dont il est le vrai propriétaire.

L'emprise du DoC sur l'ICANN est particulièrement évidente dans la gestion des TLDs. Dans un document portant sur l'étendue de ses missions, l'ICANN reconnaît elle-même que : « dans le cadre des relations actuelles entre l'ICANN et le gouvernement des États-Unis, la délégation et re-délégation de tous les TLDs [...] requièrent l'approbation finale du gouvernement des États-Unis » [4].

Par ailleurs, selon le professeur de Droit Michael Froomkin, un représentant officiel du DoC a lui-même admis que l'ICANN consulte le DoC avant chacune de ses décisions majeures [5].

Enfin, le DoC dispose du droit de mettre un terme à tout moment au contrat qui le lie à l'ICANN.

Au bout du compte, conclut Froomkin, l'autorité du DoC est telle que toute décision autre que purement technique émise par l'ICANN est systématiquement soumise à son approbation préalable [6]. Or, il se trouve que les décisions de l'ICANN sont bien moins d'ordre technique que politique. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'ICANN est bien une instance de gouvenance.

2.2. l'ICANN comme instance de gouvernance

Naturellement, l'ICANN se présente volontiers comme un organisme de coordination technique de l'Internet. Dans une lettre adressée en juin 1999 à Ralph Nader et James Love, Esther Dyson, alors présidente de l'ICANN, déclarait ainsi que cet organisme s'occupe uniquement de la « plomberie » [7]. Cette présentation est d'ailleurs validée par le DoC qui affirme dans son Livre blanc que la création de la nouvelle société « ne doit pas correspondre à la mise en place d'une structure de gouvernance de l'internet ».

Pourtant, dès les premières lignes d'un document officiel portant sur la définition de ses missions, l'ICANN reconnaît ouvertement que son rôle est « à la fois technique et politique ». Dans un rapport sur la réforme de l'ICANN, Stuart Lynn, le président actuel de cet organisme, reconnaît également que l'ampleur des missions assignées à l'ICANN fait de cette dernière l'équivalent « du modèle traditionnel, pré-internet, d'une organisation intergouvernementale » [8].

Finalement, si le DoC a fait de l'ICANN une simple société privée sur la forme, elle est bien une forme de gouvernance privée dans les faits. À cet égard, la Commission de l'Union européenne observait dans un rapport sur le DNS publié en juillet 2000 que : « Même en restant dans les strictes limites de leur mandat, l'ICANN et le GAC prennent d'ores et déjà des décisions que, dans d'autres circonstances, les gouvernements tiendraient à prendre eux-mêmes dans le cadre des organisations internationales » [9].

3. L'ICANN au prisme de la gouvernance

Dans la mesure où l'ICANN est un organisme privé de gouvernance de l'internet, la question de sa légitimité démocratique se pose naturellement avec une très forte acuité. Néanmoins, l'importance de ce critère de légitimation ne doit pas occulter celui de l'efficacité. En effet, les promoteurs des nouvelles formes de gouvernance recourent généralement à la distinction entre deux formes de légitimation de l'action publique.
- L'une met l'accent sur la légitimité démocratique de l'action publique (elle est « input-oriented »).
- L'autre privilégie au contraire l'efficacité de l'action publique (elle est « output-oriented »). Confronté à la difficulté d'invoquer la légitimité démocratique des nouvelles formes de gouvenance, ses promoteurs ont généralement recours à un discours de légitimation fondé sur l'efficacité de l'action. Le cheminement rhétorique de l'ICANN s'inscrit parfaitement dans cette trajectoire.

3.1. Un manque de légitimité démocratique

Confrontée à la critique récurrente de sa faible légitimité démocratique, l'ICANN a eu recours à trois formes de légitimation principales :
- celui de la transparence de son fonctionnement ;
- celui de la représentativité de ses membres ;
- et enfin celui de la prise de décision fondée sur le consensus.

Transparence

Les documents de l'ICANN insistent de manière récurrente sur la nécessité d'assurer la transparence de son action. Ainsi est-il précisé à plusieurs reprises dans ses statuts [10] que l'ICANN et ses différentes composantes « doivent opérer autant que cela soit possible d'une manière ouverte et transparente ». Pourtant, de nombreux observateurs ne se sont pas privés d'ironiser sur la relative opacité de cet organisme. À titre d'exemple, le professeur de droit Jonathan Weinberg ironise sur le penchant du comité directeur de l'ICANN pour les « réunions fermées » et sa lenteur à « embrasser » l'esprit d'ouverture censé prévaloir dans la communauté des internautes [11]. À cet égard, les solutions suggérées par Stuart Lynn pour mettre fin à ces critiques témoignent implicitement de leur pertinence. En effet, il propose ni plus ni moins que d'abandonner ce principe de transparence en plaidant pour une réforme de l'ICANN qui permettrait notamment à son comité directeur de pouvoir délibérer en privé.

Représentativité

La rhétorique de la représentativité occupe également une place centrale dans le processus de légitimation de l'ICANN. Il s'agit en effet de l'un des quatre grands principes du contrat entre le DoC et l'ICANN.

Afin d'évaluer le degré de représentativité de l'ICANN, le moyen le plus simple consiste à consulter la composition de son comité directeur qui détient seul le pouvoir de décision. On se contentera ici d'indiquer que l'une des difficultés majeures au sein de ce comité directeur qui comprend 19 membres, porte sur la question de l'élection des 9 représentants de la communauté des internautes qui n'est toujours pas réglée et suscite des polémiques de plus en plus violentes.

En fait, la quête de représentativité de l'ICANN paraît illusoire dans la mesure où personne n'est réellement capable de définir une liste non polémique des acteurs ayant légitimement voix au chapitre sur les enjeux du DNS.

Consensus

L'invocation du caractère consensuel des décisions de l'ICANN apparaît finalement comme l'ultime argument dont elle dispose pour légitimer ses décisions. Cet argument apparaît de manière implicite dans le contrat entre le DoC et l'ICANN qui invoque la mise en place d'une structure de coordination de type « bottom-up ». Il s'agit surtout de l'argument le plus fréquemment invoqué par cet organisme pour légitimer son action.

Cette observation nous conduit pourtant à poser la question suivante : les enjeux traités par l'ICANN sont-ils réellement susceptibles de faire l'objet d'un consensus ?

La recherche du consensus dans la communauté des internautes est une vieille tradition qui repose sur deux paramètres essentiels. Tout d'abord, la communautés des techniciens qui a conçu et développé l'internet était à la fois relativement réduite et homogène. Ensuite, le caractère essentiellement technique des décisions à prendre et les faibles enjeux de pouvoir y afférents réduisait également les risques d'expression de points de vue inconciliables.

Il va de soi que ces deux facteurs primordiaux dans l'élaboration du consensus sont aujourd'hui de plus en plus difficiles à réunir dans la communautés de plus en plus hétérogène des internautes. Par ailleurs, le caractère hautement stratégique et politique de la gestion du DNS rend toute idée de consensus autour des enjeux soulevés par l'ICANN totalement irréaliste. C'est pourquoi il serait non seulement illusoire mais également extrêmement paralysant pour un tel organisme de s'escrimer à vouloir fonder ses décisions sur un véritable consensus.

Au bout du compte, le recours aux notions de transparence, de représentativité et de consensus dans les discours de légitimation démocratique de l'ICANN ne résiste pas à l'analyse. L'actuel président de l'ICANN, Stuart Lynn, est d'ailleurs le premier à le reconnaître. Manifestement conscient de la faible légitimité démocratique de l'ICANN, Stuart Lynn tente finalement un repli stratégique sur le principe fondateur de cet organisme dans son dernier rapport sur la réforme de l'ICANN, celui de l'efficacité.

3.2. Une efficacité introuvable

Paradoxalement, le recours à l'argument de l'efficacité comme discours de légitimation de l'ICANN était jusque-là rarement mis en avant dans ses documents de présentation.

Mais cela n'est finalement pas très surprenant. En effet, le principe de la substitution du secteur public par le privé au motif de l'absence d'efficacité du premier comparativement aux performances du second, semble faire l'objet d'un réel consensus aux États-Unis. On pourrait ainsi s'attendre à ce que les critiques au sujet de l'ICANN préconisent, en lieu et place de cette société privée, la création d'un organisme public reprenant la totalité de ses prérogatives. Or, il n'en est rien. Il suffit pour s'en convaincre de consulter le site Icannwatch [12] qui rassemble les critiques les plus féroces et argumentées à l'encontre de l'ICANN pour se rendre compte qu'elles visent avant tout à réduire les activités de cet organisme au strict minimum en faisant en sorte qu'il s'écarte le moins possible de ses missions techniques. S'il n'est jamais question de remettre en cause le statut de société privée de l'ICANN, c'est tout simplement parce que l'hypothèse qui consisterait à lui substituer un organisme public est jugée encore plus calamiteuse. Les gouvernements sont avant tout perçus comme étant incompétents pour la gestion de l'internet.

Sacrifier la légitimité démocratique de l'ICANN sur l'autel du dieu efficacité est une chose. Définir ne serait-ce que dans ses grandes lignes quels pourraient bien être les critères d'évaluation de ladite efficacité en est une autre. En effet, que signifie le recours à cette notion dans le cas d'un organisme dont les missions sont à la fois techniques et politiques ? S'agit-il d'évaluer l'ICANN en fonction de son degré de conformité avec la déclaration de politique générale du gouvernement états-unien ? S'agit-il encore de mesurer sa capacité à répondre aux attentes de ses principaux bailleurs de fonds ? Doit-il plus largement être évalué selon sa capacité à agir au nom de l'« intérêt général » ? Alors que la notion d'efficacité renvoie à une logique purement instrumentale, les missions assignées à l'ICANN s'inscrivent très clairement dans une logique politique. C'est pourquoi il nous semble que le recours à la notion d'efficacité pour légitimer la création d'un organisme comme l'ICANN n'est pas fondée en raison.

Conclusion : et si l'ICANN n'existait pas ?

Mis en place au nom de la recherche d'une introuvable efficacité, le problème majeur posé par l'ICANN est finalement son manque de responsabilité. L'ICANN est en effet un organisme privé assurant des missions de politique publique dont les membres n'ont de comptes à rendre qu'auprès de leurs principaux bailleurs de fonds ainsi que, bien sûr, du gouvernement des États-Unis. Prenant acte de l'absence de la légitimité démocratique de l'ICANN concomitante d'un apparent consensus sur la nécessité d'une mise à l'écart des États dans la gouvernance de l'internet, Lawrence Lessig conclut l'un de ses nombreux articles sur ce sujet par la réflexion suivante : « Au fond, nous ne sommes plus démocrates. Le cyberespace nous l'a montré et cela devrait nous inciter à comprendre pourquoi » [13].

À défaut de relever un tel défi, le constat de la faible légitimité de l'ICANN devrait au moins nous empêcher de faire l'économie d'une interrogation plus triviale sur la réforme, voire la suppression, d'un tel organisme. Supprimer l'ICANN ? Soit, mais pour la remplacer par quoi ?

Notes

* Ce document est le texte d'une communication orale prononcée par l'auteur le 5 avril 2002 dans le cadre d'une journée d'étude sur « L'internationalisation de la communication » organisée par la Maison des Sciences de l'Homme de l'Université Paris-Nord. Titre original de la communication : « L'ICANN au prisme de la gouvernance »

[1] United States Department of Commerce (National Telecommunications and Information Administration), Management of Internet Names and Addresses : Statement of Policy, 5 juin 1998.
http://www.icann.org/general/white-paper-05jun98.htm

[2] Memorandum of Understanding (MoU) Between the U.S. Department of Commerce and Internet Corporation for Assigned Names and Numbers, 25 Novembre 1998.
http://www.icann.org/general/icann-mou-25nov98.htm

[3] ICANN, Articles of Incorporation, 21 novembre 1998.
http://www.icann.org/general/articles.htm

[4] ICANN, Toward a Statement of the ICANN Mission, 10 mars 2002.
http://www.icann.org/general/toward-mission-statement-07mar02.htm

[5] Michael Froomkin, « Wrong turn in cyberspace : using ICANN to route around the APA and the constitution », Duke Law Journal, Vol. 50:17, 2000, p.109.
http://www.law.miami.edu/~froomkin/articles/icann.pdf

[6] Idem, p.111.

[7] La lettre d'Esther Dyson est disponible sur le site de l'ICANN à l'adresse suivante :
http://www.icann.org/chairman-response.htm

[8] Stuart Lynn, President's Report : ICANN case for reform, 24 février 2002.
http://www.icann.org/general/lynn-reform-proposal-24feb02.htm

[9] Commission des Communautés européennes, L'organisation et la gestion de l'Internet : Enjeux internationaux et européens 1998 - 2000, (COM(2000)202), 7 avril 2000, p.105.
http://europa.eu.int/ISPO/eif/InternetPoliciesSite/InternetGovernance/Main.html

[10] Bylaws for Internet Corporation for Assigned Names and Numbers. As Amended and Restated on 29 October 1999 and Amended Through 12 February 2002.
http://www.icann.org/general/bylaws.htm

[11] Jonathan Weinberg, « ICANN and the problem of legitimacy », Duke Law Journal, Vol.50:187, 2000, p.212.
http://www.law.wayne.edu/weinberg/legitimacy.PDF

[12] http://www.icannwatch.org

[13] Lawrence Lessig, « Governance », communication présentée devant la New-York New media Association, 10 juin 1998, p.4.
http://lessig.org/content/articles/works/Ny_q_d1.pdf




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