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Date: Wed, 05 Dec 2001 22:44:05 +0100
Subject: Bouffonnerie : l'assomption du citoyen Nonmarchand
Bouffonnerie : l'assomption du citoyen Nonmarchand par Jean Rembert pour IRIS La très connue manifestation payante au profit des organisateurs de manifestation (dîner, symposium, gala, kermesse...) fait ses premiers pas sur l'internet, pour aider des entreprises en recherche de fonds, de réputation ou d'image. Alternative ou complémentaire à la manifestation sponsorisée et subventionnée, elle peut mettre en rapport un besoin et une ressource supposée (ainsi d'une journée sur le thème « Comment gagner de l'argent », que les participants intéressés paieraient 4 000 FF chacun). Une autre manière, empruntée à la communication événementielle, consiste à mettre en rapport des gens qui ont besoin d'être médiatisés ou reconnus avec d'autres qui ont envie de les voir, ou de les aider, et accessoirement de les écouter. Quand l'événement sous-tendant la manifestation est difficile à trouver, on peut le créer (bilan des dix ans de... perspectives de... le point sur...). Le Groupe Galeries Lafayette, connu dans l'univers marchand, s'est associé avec la société Transfert SA, éditeur proposant une revue en ligne, et plus connue dans l'internet pour organiser dans ses locaux un séminaire sur le thème suivant dont l'urgence est moins manifeste que l'opportunité: un septennat d'internet. La présentation des choses dans la lettre envoyée aux clients potentiels nous apprend que «...les personnalités de l'Internet français qui ont marqué cette période, représentant les pouvoirs publics, les entreprises et les citoyens, se réuniront pour tenter de tirer un bilan de la révolution numérique en cours... ». La revue Transfert organise ordinairement des séminaires plus spécifiés et professionnels, et comme tels, intéressants (protection de la vie privée, GPRS, rôle des collectivités locales, droit d'auteur etc.). Mais pour cette fois, communication événementielle pour rire oblige, il est fait autrement. Pas grande importance, sauf que ceci manifeste, à y regarder de près, une tout autre idéologie. Pouvoirs publics, entreprises, citoyens... Le triptyque des « représentations », identique à celui d'une association pour la corégulation, s'inscrit comme une évidence dans cette initiative, qui participe à la naturalisation d'un produit idéologique d'époque, la gouvernance. C'est-à-dire le mouvement qui d'une part inscrit l'État comme partenaire de même rang que les autres, et d'importance déclinante par la privatisation crue ou détournée de ses fonctions (en cours, par exemple, l'éducation et la police), d'autre part fait disparaître le citoyen dans le temps où on l'évoque, ses représentants n'étant que ce qu'un autre protagoniste décide de ce qu'ils doivent être. En l'occurrence, le privé organisateur. Peut-être est-ce là concession d'apparence, pour obtenir que viennent participer ceux que l'on souhaite y voir. Peut-être pas. On trouve, au programme, des discours et débats sur le commerce électronique et la finance, intérêts ordinaires du groupe Galeries Lafayette, mais aussi sur la création et la politique, ce qui rehausse le débat et anoblit le projet. Et sur le naguère inconnu mais désormais fameux citoyen Nonmarchand, qui s'est révélé à l'usage être un brave client. Les organisateurs ont pu compter sur la présence de parlementaires, tels Bloche, Martin-Lalande, Paul, Santini, qui ont intérêt à aller se faire voir, et que peut-être d'autres ont intérêt à rencontrer, ou sur des élus de villes où le net a fait l'objet d'une attention particulière. Rien de plus compréhensible. De même, on a pu inviter à débattre des gens qui viendront parler de leur société (.com) à l'occasion de discours triviaux sur la société (.fr). Ceci est ordinaire. On voit aussi, dans le collège des acteurs publics, quelques juristes fonctionnaires cooptés selon le besoin, parmi ceux dont le désir de médiatisation n'est pas mince, ce qui facilite la tâche de l'organisateur. Et non soumis au devoir de réserve quand il s'agit d'exprimer quelques banalités, comme il est d'usage dans la fonction publique. Pas comme dire son avis sur les amendements, et la loi sur la sécurité, ce qui serait, de plus, indécent en présence des députés ci-dessus qui ont voté courageusement, et poursuivent leur combat civique jusqu'à s'organiser pour éviter d'aller s'assurer de la constitutionnalité de la manoeuvre. Une fois enlevés les politiques, les entrepreneurs, les fonctionnaires, on ne sait plus trop par qui sont représentés les citoyens. Sans doute par certains des précités. On peut tenter de le déduire à la lecture de la composition de la séance « Citoyenneté, libertés et Internet non marchand ». Un élu local (connu pour ses initiatives sur l'accès), un fonctionnaire de l'Éducation (par ailleurs membre discret d'une association de corégulation), un membre de la CNIL, un fonctionnaire de la Justice (réputé pour son goût des débats), un chef d'entreprise (des rares à avoir un ratio chiffre d'affaire/capital à trois chiffres dans l'activité d'achat pour revendre en ligne). Bizarre. Le représentant des citoyens doit donc être l'élu local. Pour finir, on ne peut manquer de remarquer, dans le titre de la séance, la présence du « non marchand », qui va parfois avec le citoyen, comme ici, parfois avec le solidaire. Qui représente le non marchand dans l'affaire ? Le local tout seul, à nouveau ? Bizarre, bizarre. On aurait parlé du camarade Solidaire, plutôt que du citoyen Nonmarchand, c'était peut-être plus approprié. Mais sans doute est-ce moins vendeur, solidaire, ça fait alphabétisation de banlieue, tiers secteur, 25 centimes pour soutenir les grèves de Vierzon, assoce de quartier, pour la com, c'est cheap. Non marchand, ça fait militant planétaire, guérillero de la taxe Tobin, net warrior de la liberté, intello-qui-pense, politique en somme. Ça, c'est bon. Les représentants historiques, groupes, collectifs, partis, syndicats, mouvements civiques, ONG etc., on peut s'en passer, c'est dépassé, ils ne sont pas prévus au schéma de gouvernance des Galeries Lafayette et de la corégulation de l'internet et du reste. Référence : Transfert : http://www.transfert.net/fr/seminaire_septennat.cfm


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