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L'Assemblée nationale programme la mort d'Internet en France

Communiqué de presse d'IRIS - 26 mars 2000

Les dispositions relatives aux services de communication en ligne autres que de correspondance privée, adoptées par l'Assemblée nationale en deuxième lecture de la loi sur la liberté de communication suscitent à la fois l'indignation et la colère des acteurs majeurs de l'Internet français.

Des « diligences appropriées » pour des « contenus litigieux »...

Sur la question des contenus litigieux, la modification de l'article 43-6-2, sur proposition de Patrick Bloche, soutenue par la Commission des Affaires culturelles et par le gouvernement, ouvre une voie royale à un organisme de corégulation aux pouvoirs importants. Malgré les explications invoquées lors de la discussion à l'Assemblée ou dans la presse, il est clair que les « diligences appropriées » devant suivre une mise en demeure quelconque d'un intermédiaire technique se traduiront nécessairement par le renvoi de la décision à un tel organisme. Cela semble d'autant plus évident que la ministre de la Culture, tout comme des députés, ont fait référence à plusieurs reprises à cet organisme, y compris pour d'autres questions que celle des contenus sur Internet. Par ailleurs, le document d'orientation du gouvernement sur la future loi sur la société de l'information s'appuie largement sur l'existence d'un tel organisme.

Fichage systématique et auxiliaires privés de police

Sur la question de l'identification préalable, l'article 43-6-4, adopté sur proposition du gouvernement, marque une avancée décisive dans l'ère du soupçon systématique et du délire sécuritaire. Alors que l'article 43-6-3, adopté en première lecture sur proposition de Patrick Bloche, suffit amplement à permettre aux autorités de police et de justice de retrouver la trace d'auteurs de contenus illégaux, le gouvernement, suivi par les députés, a jugé utile d'introduire le fichage systématique des personnes physiques et morales et de transformer les intermédiaires techniques en auxiliaires de police, sous peine d'amende et de prison.

Un supermarché cerné de barbelés

Alors que le texte adopté en première lecture par les députés assure le respect de la démocratie et des libertés, protège les citoyens comme les acteurs économiques importants que sont les intermédiaires techniques, et garantit que chacun assume ses responsabilités devant la justice et la société, les nouvelles dispositions adoptées en deuxième lecture font de l'ensemble des services de l'Internet français un supermarché cerné de barbelés, dans lequel la police est assurée à leur corps défendant par des acteurs privés, et la loi est dite par le plus fort lobby imposant sa morale et ses intérêts particuliers.

Adoptées au moment même où le sommet européen de Lisbonne consacre l'importance d'Internet dans l'économie et le développement, ces dispositions programment la mort de l'Internet français en entraînant une délocalisation massive des services Internet dans des pays à législation plus raisonnable.

Appel à la mobilisation

La suppression de ces dispositions aussi insensées que scandaleuses nécessite le retour à la raison de la part des parlementaires comme du gouvernement, à l'occasion des prochaines échéances : deuxième lecture au Sénat et troisième lecture à l'Assemblée nationale de la loi sur la liberté de communication, puis discussion du futur projet de loi sur la société de l'information.

Iris appelle à la mobilisation unitaire la plus large afin d'obtenir le retour aux dispositions adoptées à l'Assemblée nationale en première lecture le 27 mai 1999, étendues à la responsabilité pénale. Des contacts sont déjà pris en ce sens avec les acteurs les plus importants de l'Internet français, et des propositions d'actions communes leur sont adressées.

Références :
Responsabilité des intermédiaires techniques : le député Patrick Bloche renie ses propres amendements. Communiqué de presse Iris, 20 mars 2000. http://www.iris.sgdg.org/info-debat/comm-caf-an0300.html
Tableau comparatif des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale en première et en deuxième lecture. http://www.iris.sgdg.org/actions/loi-comm/iris-tableau-an2.html
Suivi des travaux parlementaires sur loi sur la liberté de communication. Dossier complet d'Iris, régulièrement mis à jour. http://www.iris.sgdg.org/actions/loi-comm

Contact IRIS :
Meryem Marzouki (Meryem.Marzouki@iris.sgdg.org) - Tél : 0144749239

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