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[Français] Information en contribution à la préparation de la PrepCom1 de Tunis



À: liste de la plénière de la société civile pour le SMSI, liste du 
caucus des droits de l'homme, liste info-smsi (France)

Chers tous,

Alors que certains d'entre nous se préparent à participer à la 1e 
PrepCom de la 2nde phase du SMSI, qui se tiendra à Hammamet, Tunisie, 
du 24 au 26 juin 2004, j'ai pensé que l'information suivante pouvait 
aider à ce processus de préparation.

Le rapport annuel 2003 de l'Observatoire pour la protection des 
défenseurs des droits de l'homme, un projet commun de la Fédération 
internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) et de 
l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT), deux membres du 
caucus des droits de l'homme du SMSI, vient d'être publié. Intitulé 
"Les défenseurs des droits de l'homme à l'épreuve du tout-sécuritaire", 
le rapport est disponible en Français, Anglais et Espagnol, avec une 
préface de Shirin Ebadi, défenseur iranienne des droits de l'homme et 
prix Nobel de la Paix 2003.

Le rapport est disponible en ligne:
Français: http://www.fidh.org/IMG/pdf/Rappfrdef.pdf
Anglais: http://www.fidh.org/IMG/pdf/complete2003a.pdf
Espagnol: http://www.fidh.org/IMG/pdf/completa2003e.pdf

3 conférences de presse ont été organisées pour son lancement, à 
Genève, Tunis et Dakar.
La conférence de presse de Tunis aurait dû être présentée le 14 avril 
2004 par Patrick Baudouin (président d'honneur et ancien président de 
la FIDH), Souhayr Belhassen (vice-président de la Ligue tunisienne des 
droits de l'homme-LTDH et de la FIDH) et Raji Sourani (directeur du 
Centre palestinien des droits de l'homme-CPDH et vice-président de la 
FIDH).
Patrick Baudouin s'est vu interdire l'accès au territoire tunisien le 
13 avril: à peine avait-il atterri à l'aéroport de Tunis-Carthage, 
qu'il a été immédiatement refoulé et renvoyé à Paris par le même avion. 
C'est la troisième fois que Patrick Baudouin, avocat, se voit ainsi 
interdire l'accès au pays (voir le communiqué de la FIDH à: 
http://www.fidh.org/article.php3?id_article=904, ainsi que de 
nombreuses dépêches d'agences de presse).

Selon le rapport 2003 de l'Observatoire, la Tunisie peut être classée 
dans les pays de "catégorie 2" (sur une échelle de répression des 
défenseurs des droits de l'homme allant de 1 à 3), avec Afghanistan, 
Belarus, Cameroun, Colombie, Cuba, Guatemala, Guinée-Bissau, Haïti, 
Indonésie, Iran, Kirghizistan, Liberia, Mauritanie, Ouzbékistan, 
Philippines, Tchétchénie, Rwanda, Soudan, Syrie, Togo, Tunisie, 
Turquie, Zimbabwe, où la situation est qualifiée ainsi :" Répression 
systématique : Les défenseurs parviennent à agir sous la forme 
d’associations indépendantes en faveur des droits de l’Homme, mais sont 
soumises à une répression systématique Et /ou : Les Organisations 
intergouvernementales (OIG) ne peuvent se rendre dans le pays pour y 
effectuer une enquête (http://www.fidh.org/article.php3?id_article=900).

Vous trouverez ci-dessous quelques extraits du rapport, pertinents 
vis-à-vis du SMSI et des difficultés de l'implication de la société 
civile tunisienne dans ce processus.

Cordialement,
Meryem Marzouki, IRIS, France
Co-coordinatrice du caucus droits de l'homme
http://www.iris.sgdg.org/actions/smsi/hr-wsis

Extraits du rapport 2003 de l'Observatoire pour la protection des 
défenseurs des droits de l'homme:
"
- Lutte antiterroriste et érosion des droits (p 226) :
(p 226) En Tunisie, le 10 décembre 2003, la chambre des députés a voté 
la loi relative
au « soutien des efforts internationaux de lutte contre le terrorisme 
et la
répression du blanchiment d’argent » (loi 75-2003, ratifiée et publiée 
au Journal
officiel le 12 décembre 2003). Cette loi qualifie de terroriste « toute 
infraction,
quels qu’en soient les mobiles, […] susceptible de […] semer la terreur 
parmi
la population dans le dessein d’influencer la politique de l’État […], 
de troubler
l’ordre public, la paix ou la sécurité internationale, de porter 
atteinte aux personnes
et aux biens […] ». Par ailleurs, la loi considère comme terroristes « 
les
actes d’incitation à la haine, au fanatisme racial ou religieux quels 
que soient les
moyens utilisés ». En outre, les personnes soumises au secret 
professionnel,
tels les avocats, qui s’abstiendraient d’informer immédiatement les 
autorités
d’informations relatives à des actes terroristes, sont également 
considérées
comme terroristes.
Par ailleurs, cette loi place les associations et partis politiques 
sous un
contrôle financier très strict. Elle leur impose notamment de 
s’abstenir de : recevoir
toute cotisation de valeur supérieure à 30 dinars par an ; recevoir 
tout don ou
autre forme d’aide financière quel qu’en soit le montant, sauf 
exception prévue
par une disposition spéciale de la loi ; recevoir tout fond provenant 
de l’étranger
sans le concours d’un intermédiaire agréé résidant en Tunisie à 
condition que la
loi en vigueur ne s’y oppose pas et enfin d’accepter tout fonds en 
espèces dont
la valeur est supérieure ou égale à cinq mille dinars. Ces dispositions 
constituent
une grave menace sur les libertés publiques. Elle apparaît de fait 
comme une
tentative supplémentaire de verrouiller toute voix indépendante en 
resserrant
encore l’étau autour des défenseurs des droits de l’Homme, journalistes 
et avocats,
qui sont déjà la cible permanente des autorités. Les nouvelles mesures
financières prévues concrétisent les velléités des autorités 
tunisiennes visant à
contrôler, limiter, voire interdire, les sources de financements des 
ONG. Le
récent blocage des fonds devant être accordés par l’Union européenne à 
la
Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH), en août 2003, sur un 
fondement
juridique fallacieux, en est le plus flagrant exemple.
Cette loi présente un danger d’autant plus grand que l’amalgame entre
défenseurs et terroristes est « simple ». Il suffit de rappeler à cet 
égard les propos
du représentant de l’État tunisien à la 34e session de la Commission 
africaine
des droits de l’Homme et des peuples (octobre 2003), qualifiant la LTDH
d’« association illégale et terroriste ».

- Répression des mouvements la société civile et liberté d’expression
Répression des mouvements anti-guerre (p230)
En Tunisie, plus de 20 participants ont été blessés et 12 ont été 
interpellés à
Sfax, lors de la répression violente d’une manifestation organisée par 
les syndicats,
ONG et partis d’opposition, le 16 février. Le 22 février, cinq 
syndicalistes ont été
hospitalisés et sept membres du Comité de solidarité avec l’Irak et la 
Palestine ont
été interpellés lors d’une manifestation à Gafsa. À Kébili, le 
président de la section
de la LTDH a été convoqué par la police après avoir informé les 
autorités
régionales de la décision de la section d’organiser une manifestation 
anti-guerre le
13 mars 2003. Des scénarios similaires se sont déroulés à Sousse et à 
Bizerte.

Répression des mouvements de la société civile en faveur de la défense 
des droits de l’Homme (p231) :
En Tunisie, les défenseurs des droits de l’Homme et avocats qui tentent 
de
se rassembler pour protester contre les nombreuses violations de l’État 
de droit
en Tunisie sont également l’objet d’une répression systématique et le 
plus souvent
violente 9. Par ailleurs, le 3 juin 2003, des responsables syndicaux et 
des
professeurs de l’enseignement secondaire ont été agressés par des 
agents de la
police en tenue civile, alors qu’ils participaient à un rassemblement 
de protestation
devant le ministère de l’Éducation nationale et de la Formation 
professionnelle.
Plusieurs syndicalistes ont été brutalisés, dont M. Taïeb Bouaicha,
secrétaire général du syndicat, et M. Sami Tahri, syndicaliste, qui a 
été grièvement
blessé.

- Entraves à la liberté d’association (p232)
La situation est quasi similaire dans les pays où les ONG sont soumises 
au
régime de la déclaration, les récépissés de dépôt étant délivrés de 
façon particulièrement
arbitraire. En Tunisie, parmi 2000 associations officiellement 
recensées,
moins d’une douzaine sont réellement indépendantes du pouvoir. Parmi
ces dernières, le Centre tunisien pour l’indépendance de la justice 
(CTIJ),
l’Association de lutte contre la torture, le Conseil national des 
libertés en
Tunisie (CNLT) ou encore l’Association internationale de soutien aux 
prisonniers
politiques, attendent toujours d’être officiellement reconnues pour 
exercer
légalement leurs activités.

- Actions menées au plan international et régional
Nations unies (p233)
La représentante spéciale du secrétaire général de l’ONU sur les 
défenseurs
des droits de l’Homme, Hina Jilani, qui avait demandé une invitation 
aux autorités
égyptiennes et tunisiennes en 2002, n’a pas reçu de réponse à ce jour.
L’Observatoire a saisi la représentante spéciale de l’ensemble des cas 
traités.
[...] L’Observatoire a en outre fourni
des informations supplémentaires au groupe de travail concernant 
l’évolution de
la situation de Zouhayr Yahyaoui, en suivi de sa saisine du groupe de 
travail
effectuée en 2002.

Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples (p234)
Lors de sa 34e session, en novembre 2003, la Commission africaine des 
droits
de l’Homme et des Peuples a adopté un mécanisme de protection par la 
création
d’un « point focal » sur les défenseurs des droits de l’Homme. La 
situation des
défenseurs en Algérie, en Égypte, en Tunisie et au Sahara occidental 
pourra
être désormais suivie de façon spécifique par ce mécanisme.

Sommet mondial sur la société de l’information (p235)
Lors de la première phase du Sommet mondial sur la société de 
l’information
à Genève (10-12 décembre 2003), l’Observatoire a attiré l’attention de 
l’Union
internationale des télécommunications (UIT) et de la communauté 
internationale
sur les graves violations dont sont l’objet les défenseurs des droits de
l’Homme en Tunisie, et les graves atteintes portées à la liberté 
d’expression
dans ce pays. L’Observatoire exprime, dans ce contexte, sa 
préoccupation quant
à la tenue de la seconde phase du sommet, prévue à Tunis en 2005, et 
insiste
sur la participation de tous les représentants de la société civile 
tunisienne et
internationale.

- Par pays, les défenseurs des droits de l'homme opprimés : Tunisie 
(p259-268)

* Harcèlement à l’encontre de la LTDH et de ses membres

Poursuites judiciaires :

Fin 2003, la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH) fait l’objet 
de
plusieurs instructions ou plaintes ouvertes devant la justice visant la 
Ligue ellemême,
ses sections, ses dirigeants et certains de ses membres.

Procès du comité directeur de la LTDH :

Le pourvoi en cassation du procès en annulation entrepris contre le 
comité
directeur de la LTDH, issu de son 5e congrès, est toujours en cours. Le 
21 juin
2001, la cour d’appel de Tunis avait confirmé la décision en première 
instance
d’annuler les actes du dernier congrès de la LTDH (octobre 2000), sur 
la base
d’une plainte déposée par quatre membres de la LTDH, militants du
Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD, parti au pouvoir).

Procédures judiciaires contre les sections de la LTDH :

Section de Gabès. À la suite d’une intervention brutale de la police, le
19 octobre 2002, le congrès de la section de Gabès avait été interdit. 
Il s’est toutefois
tenu le 1er décembre 2002, mais un congressiste avait alors déposé 
plainte
pour en annuler les actes. Cette annulation a été confirmée par une 
décision du
tribunal de première instance de Tunis le 12 mai 2003. La Ligue s’est 
pourvue
en appel.
Sections de Korba et Kébilia et de Hammam-Lif Ez-zahra et Radhès. La 
LTDH a
été l’objet de jugements en référé, respectivement les 29 novembre et
20 décembre 2003, visant à annuler les assemblées générales de ces 
sections pour
refus par certains adhérents du RCD de fusionner les sections de Korba 
et Kébilia
et de Hammam-Lif Ez-zahra et Radhès. Les procédures au fond, qui 
devront être
examinées par le tribunal de première instance de Tunis, sont en cours 
fin 2003.
Section de Sfax. Le 18 janvier 2003, quatre adhérents de la section de 
la LTDH,
membres du RCD, ont porté plainte contre la Ligue qui avait convoqué un 
congrès
pour les 1er et 2 février afin de créer une deuxième section à Sfax. Le 
30 janvier
2003, le juge en référé a décidé de surseoir à la décision du comité de 
tenir un
congrès, jugement qui doit être confirmé le tribunal de 1re instance de 
Tunis.
Section de Monastir. La procédure en appel dans l’affaire de la 
confiscation du
bureau de la section de Monastir reste en cours. En 2002, la 
propriétaire du local
de la section avait obtenu la résiliation du contrat de location 
qu’elle venait de
signer avec la LTDH, indiquant qu’elle n’était pas en possession de ses 
moyens
lors de la signature. La LTDH, qui s’est pourvue en appel, a pu louer 
un autre
local à partir de septembre 2003.

Obstacles au financement de la LTDH :

Le 29 août 2003, le directeur des Affaires politiques du ministère de
l’Intérieur a notifié à M. Mokhtar Trifi, président de la LTDH, 
l’interdiction
du gouvernement tunisien de recevoir la deuxième tranche du financement
octroyé par l’Union européenne (UE) à la LTDH, dans le cadre de 
l’Initiative
européenne pour la démocratie et les droits de l’Homme (IEDDH). Le 12 
septembre,
la LTDH a été informée par sa banque (BIAT) que le virement de
cette deuxième tranche « ne pouvait être mis à disposition [de la LTDH] 
pour
manque des autorisations requises ». Pour justifier ce blocage, les 
autorités se
fondent sur les dispositions de la loi 154 (1959) et du décret du 8 mai 
1922. Or,
la loi ne concerne que les associations de bienfaisance et « reconnues 
d’intérêt
national », ce qui n’est pas le cas de la LTDH, et le décret ne vise 
que les collectes
de fonds réalisées auprès du public. Ce financement avait été obtenu par
la LTDH en avril 2001 dans le cadre d’un projet intitulé « 
restructuration de la
Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’Homme » (projet B7-
70/2001/3185) et sa première tranche avait été exécutée.
Fin 2003, les fonds devant être alloués à la LTDH restent bloqués.
Le 9 janvier 2004, dans une réponse à une question parlementaire 
concernant
le financement par l’UE de projets d’ONG indépendantes en Tunisie, le
commissaire aux relations extérieures de l’Union européenne, M. 
Christopher
Patten, a indiqué que « la Commission européenne a évoqué la question 
avec
les autorités tunisiennes » et que celles-ci avaient « précisé que la 
loi [154]
est bien applicable à toutes les ONG tunisiennes recevant un financement
de l’étranger », mais que, « dans un souci de tolérance et de 
conciliation », elle
n’avait pas été appliquée à la première tranche payée par la Commission 
dans le
cadre de ce projet. Les autorités ont par ailleurs rappelé que la LTDH 
a fait
l’objet d’une décision de justice limitant ses activités à la 
préparation de la prochaine
assemblée générale et la réélection de son bureau. Le commissaire a
indiqué que « sans se prononcer sur la base légale invoquée par les 
autorités
tunisiennes, la Commission favorise une solution politique à ce 
problème ».

Poursuites judiciaires et harcèlement contre les dirigeants et membres 
de la LTDH :

Une plainte a été déposée le 28 décembre 2002 contre M. Hamda
Mezguich, membre de la section de Bizerte, par un membre de la LTDH,
adhérent au RCD de la section de Jendouba, pour actes de violence lors 
du
congrès de Jendouba (septembre 2002). La procédure demeure en instance.
Le 26 avril 2003, M. Néji Marzouk, éditeur, membre du comité directeur
de la LTDH, s’est vu intimer l’ordre de quitter « la Foire du livre 
2003 » où il
tenait un stand, par les agents de sécurité. Il ne devait pas être 
présent lors de
l’inauguration de cette manifestation par le chef de l’État.
Me Anouar Kousri, vice-président de la LTDH, reste l’objet d’actes de
harcèlement (surveillance de son domicile, de son cabinet et de ses 
déplacements)
et sa clientèle est toujours victime d’actes d’intimidation, visant à 
la dissuader
d’avoir recours à son conseil.
Les poursuites judiciaires visant Me Mokhtar Trifi et M. Slaheddine
Jourchi, premier vice-président, restent pendantes. Ils avaient tous 
deux été
accusés pour « diffusion de fausses nouvelles » et « non-respect d’une 
décision
de justice », respectivement en mars 2001 et décembre 2000.
Le procès en appel de M. Khémaïs Ksila, secrétaire général, contraint à
l’exil, condamné par contumace à dix ans de prison ferme et 10 000 
dinars
d’amende sur une accusation de droit commun reste également pendant.

* Le CNLT et ses membres pris pour cible

Entraves à la liberté de réunion :

Le Conseil national des libertés en Tunisie (CNLT), n’a toujours pas
obtenu d’enregistrement légal en 2003, malgré les demandes répétées de 
ses
membres depuis cinq ans.
Ces derniers restent l’objet d’obstacles permanents à leurs activités. 
Les
réunions sont quasi systématiquement interdites et le local à Tunis 
constamment
surveillé. Les forces de l’ordre tunisiennes sont ainsi intervenues à de
nombreuses reprises en encerclant les lieux où devaient se tenir des 
réunions ou
rassemblements organisés par le CNLT, afin d’en empêcher le 
déroulement. Le
24 octobre 2003 notamment, le CNLT a tenté d’organiser une conférence de
presse pour le lancement de la Campagne internationale pour la liberté 
en
Tunisie. Son local a été encerclé par un impressionnant déploiement de
membres de la police qui en ont interdit l’accès.
Aussi, les visiteurs sont également très souvent intimidés et il 
devient pour
eux de plus en plus difficile de venir soumettre des cas ou témoignages.

Harcèlement et agression contre Mme Sihem Ben Sedrine :

En avril 2003, Mme Sihem Ben Sedrine, alors porte-parole du CNLT, a fait
l’objet d’une virulente campagne de diffamation et de dénigrement à 
travers la
presse. Elle a été accusée de trahir la cause arabe, alors qu’elle 
revenait d’une
mission en Irak, sous occupation américaine depuis mars.
Début décembre 2003, sa voiture a été entièrement saccagée et 
vandalisée, et
le 5 janvier 2004, Mme Ben Sedrine a été agressée en pleine rue alors 
qu’elle rentrait
à son domicile, qui est aussi siège du CNLT. Mise à terre par un 
inconnu qui
l’a molestée, en présence de deux acolytes, Sihem Ben Sedrine a été 
frappée à
coups de poing à plusieurs reprises et a eu la lèvre fendue et de 
nombreux ecchymoses
et hématomes. Tout porte à croire que cette agression a été commanditée
par les services de sécurité, qui ne cessent de surveiller son domicile.
Enfin, la procédure ouverte en juin 2001 contre Mme Ben Sedrine, pour « 
diffusion
de fausses nouvelles de nature à troubler l’ordre public » et « 
atteinte à
l’institution judiciaire », reste pendante. Mme Ben Sedrine avait été 
inculpée
après être intervenue sur la chaîne de télévision arabe Al Mustaquilla, 
à Londres,
à propos notamment de la question de la torture et de la corruption en 
Tunisie.

Condamnation d’Om Zied :

Le 25 septembre 2003, Mme Neziha Rejiba, alias Om Zied, rédactrice en
chef du journal Kalima – interdit par les autorités tunisiennes – et 
responsable
de la communication au comité de liaison du CNLT, a été convoquée à la 
direction
des enquêtes douanières, bureau des infractions de change. Il lui a été 
indiqué
qu’elle était poursuivie pour « détention illégale de devises 
étrangères » en
vertu des articles 6, 22, 35, 36 et 37 du Code des changes. Il lui 
était reproché
d’avoir remis une somme de 170 euros à un proche de réfugié politique 
tunisien,
au lendemain de son retour d’un séjour en France.
Om Zied a été appelée à passer en jugement le 28 octobre 2003 devant
la 3e chambre correctionnelle du tribunal de première instance de 
Tunis. Le
18 novembre 2003, lors d’une seconde audience, Om Zied a été condamnée 
à huit
mois de prison avec sursis et à une peine d’amende de 1200 dinars 
tunisiens.
L’Observatoire a mandaté un observateur aux deux audiences de son procès
au terme duquel le caractère politique de l’accusation est clairement 
apparu. En
effet, la somme rapportée par Om Zied avait fait l’objet d’une 
déclaration régulière
aux services de douanes. De plus, les avocats de la défense ont rappelé 
les
dispositions de l’article 36 du décret d’application du Code des 
changes de 1977,
selon lesquelles les résidents tunisiens qui ramènent de l’argent en 
devises disposent
d’un délai de sept jours pour procéder au change de cette monnaie en
dinars tunisiens.
L’audience en appel qui devait se tenir le 31 décembre 2003, a été 
reportée
au 25 février 2004.
Om Zied est, par ailleurs, victime d’actes de harcèlement et 
d’intimidation
réguliers en raison notamment de ses écrits critiques dans son journal 
et de ses
prises de position publiques sur des chaînes étrangères. Son domicile 
est
constamment surveillé par une équipe de policiers en civil qui 
multiplient les
provocations à l’égard de ses fils. Son courrier est également contrôlé 
et parfois
confisqué. Sa ligne de téléphone est sous écoute permanente et très 
souvent
coupée pour l’empêcher de communiquer avec les médias étrangers.

Harcèlement contre plusieurs membres du CNLT :

Me Abderraouf Ayadi, avocat et secrétaire général du CNLT, reste l’objet
de harcèlement constant à son cabinet, son domicile et lors de ses 
déplacements,
et sa clientèle reste sous surveillance. Me Nejib Hosni, porte-parole 
du CNLT,
fait également face à de telles pressions, ainsi que Me Hedi Manai, et 
Me Said
Mechichi, respectivement ancien et actuel dirigeants de la section du 
CNLT à
Jendouba.
Les procédures judiciaires visant M. Omar Mestiri, ancien secrétaire 
général
du CNLT, et Dr Moncef Marzouki, ancien porte-parole, sont toujours en
cours. MM. Mestiri et Marzouki avaient été inculpés en 1999 pour « 
diffusion de
fausses informations » et « maintien d’une association non reconnue ».
M. M’hamed Ali Bedoui, frère du Dr Moncef Marzouki, s’est vu à plusieurs
reprises interdire de quitter le territoire tunisien bien qu’il dispose 
d’un
visa « Schengen » et d’un passeport en cours de validité et alors qu’il 
ne fait
l’objet d’aucune poursuite judiciaire. M. Bedoui fait l’objet, depuis 
de nombreuses
années, d’un harcèlement systématique et d’actes de persécution qui lui
ont valu d’être réduit au chômage et de ne pouvoir quitter la Tunisie.
M. Abdelkhader Ben Khemis, membre dirigeant du CNLT de 2001 à
2003 et fondateur du laboratoire de chimie de Monastir, se voit 
contraint d’abandonner
ses fonctions dans le cadre d’entraves récurrentes à ses activités 
professionnelles.
Sa demande de prorogation de fonctions a, en effet, été refusée alors
qu’il arrive à la retraite.

* Le droit à la grève du conseil de l’Ordre des avocats remis en cause

Le 8 juillet 2003, la cour d’appel de Tunis a rendu son verdict dans 
l’affaire
opposant six avocats membres du RCD (parti au pouvoir) au conseil de 
l’Ordre
des avocats. Elle a donné droit à la demande des plaignants d’obtenir 
l’annulation
rétroactive de l’appel à la grève lancée par le conseil de l’Ordre des 
avocats
le 2 février 2002, pour « grève illicite ».
Cet appel à la grève visait à protester contre de nombreuses 
irrégularités survenues
au cours du procès de M. Hamma Hamami, chef du Parti communiste
ouvrier de Tunisie (PCOT) et contre les violences perpétrées contre les 
observateurs
et avocats à cette occasion.
L’Observatoire a mandaté un observateur à quatre des cinq audiences du
procès, conjointement avec la Commission internationale de juristes et 
Avocats
sans frontières-Belgique. Les demandeurs ont notamment argué du fait 
que leur
« droit au travail » avait été bafoué, alors même que les avocats 
proches du pouvoir
qui n’ont pas voulu participer au mouvement de grève n’ont jamais été
empêchés d’exercer leur profession le 7 février 2002.
La décision rendue le 8 juillet constitue un précédent inquiétant. Le 
barreau
se voit en effet désormais empêché d’appeler à la grève – droit 
pourtant consacré
par la Constitution tunisienne – et les avocats sont désormais 
susceptibles
d’être l’objet de poursuites disciplinaires en cas de recours à la 
grève.
Cette décision a manifestement visé à mettre au pas un barreau jugé trop
indépendant. Par son mode d’élection, mais aussi par son attachement à 
la
défense des libertés individuelles et notamment à la lutte contre les 
violences
policières, la pratique de la torture et les dysfonctionnements du 
système judiciaire,
l’Ordre des avocats représente en effet l’un des derniers rares remparts
contre l’arbitraire en Tunisie.
Cette décision s’ajoute aux multiples pressions dont sont l’objet les 
membres
du conseil de l’Ordre des avocats. Ainsi, à titre d’exemple, une 
délégation présidée
par Me Bechir Essid, bâtonnier de l’Ordre des avocats, et composée de
membres de l’Ordre des avocats et de l’Association des jeunes avocats a 
été
empêchée, le 26 mars 2003, d’accéder à l’ambassade d’Irak pour exprimer 
sa
solidarité avec le peuple irakien.
Le 21 avril 2003, un rassemblement que devait organiser l’Ordre des 
avocats
devant le ministère de la Justice et des Droits de l’Homme pour 
protester contre
le refus du ministère de répondre à leurs revendications concernant 
leur situation
morale et matérielle, a été interdit par les forces de police qui ont 
encerclé
le palais de justice de Tunis. Les avocats qui étaient en réunion avec 
le bâtonnier
au siège de l’Ordre des avocats ont été empêchés de sortir et de se 
déplacer
vers le lieu de rassemblement.
Par ailleurs, dans la nuit du 10 à 11 mai 2003, Me Bechir Essid a été 
agressé
par des membres de la police alors qu’il se rendait au Club des avocats 
pour
s’informer des raisons pour lesquelles ce local avait été interdit 
d’accès aux avocats
le jour même.
Enfin, le 15 mai 2003, Me Mohamed Jmour, secrétaire général du conseil
de l’Ordre des avocats et Néji Marzouk, membre du comité directeur de la
LTDH, ont été fouillés à l’aéroport alors qu’ils se rendaient à 
l’étranger sous le
prétexte d’« instructions reçues ». Me Jmour a été par la suite soumis 
à des
fouilles et actes de harcèlement réguliers lors de ses départs pour 
l’étranger,
notamment le 8 décembre 2003, alors qu’il se rendait à Genève pour 
assister au
Sommet mondial sur la société de l’information.

* Refus d’enregistrement de l’Association de lutte contre la torture en 
Tunisie et harcèlement de sa présidente, Radhia Nasraoui

Refus d’enregistrement de l’Association de lutte contre la torture en 
Tunisie :

Le 26 juin 2003, Me Radhia Nasraoui, Chokri Latif, Ali Ben Salem et
Ridha Barakati, membres fondateurs de l’Association de lutte contre la 
torture
en Tunisie (ALTT), se sont rendus au siège du gouvernorat de Tunis, 
afin de
déposer les documents relatifs à la création de l’ALTT pour obtenir un 
récépissé
de dépôt légal. Ils ont été refoulés par les agents à l’entrée et 
l’accès au
bureau concerné leur a été refusé.
L’ALTT, dont la création a été annoncée le 26 juin, journée 
internationale
des Nations unies pour le soutien aux victimes de la torture, a pour 
mandat de
promouvoir les législations locales de protection contre la torture, 
recenser et
faire le suivi des cas de torture, et fournir une assistance aux 
victimes sur le plan
médical, ainsi que sur le plan judiciaire en vue du dépôt de plaintes 
auprès des
instances nationales et internationales.

Harcèlement et agression contre Radhia Nasraoui :

Le 16 avril 2003, le cabinet de Me Radhia Nasraoui a été encerclé par 
environ
40 membres de la police politique. Me Béchir Essid et Me Mohamed Jmour,
qui se sont rendus sur les lieux, se sont vu interdire l’accès à son 
bureau.
Le 13 juillet 2003, Me Radhia Nasraoui a été agressée par des policiers 
en
civil, alors qu’elle se rendait à une réception de la Ligue tunisienne 
des écrivains
libres, non reconnue, à l’occasion du deuxième anniversaire de 
l’association.
Alors que Me Nasraoui et M. Jalloul Azzouna, écrivain et président de la
ligue des écrivains libres, venaient de passer le barrage de policiers 
déployés en
nombre pour empêcher la tenue de la réception, Me Nasraoui a été poussée
contre un mur puis violemment frappée par des policiers. M. Azzouna, 
qui tentait
de la défendre, a été malmené dans la bousculade. Me Nasraoui, qui 
souffrait
de contusions aux bras, a été mise en arrêt de travail pour une durée 
de six jours.
Fin 2003, aucune suite n’a été donnée à la plainte qu’elle a déposée 
auprès
des services de police.
Le 15 octobre 2003, Me Radhia Nasraoui a entamé une grève de la faim, 
afin
de protester contre les entraves systématiques qu’elle subit dans 
l’exercice de sa
profession d’avocate et du harcèlement constant dont elle, sa famille 
et ses
clients sont l’objet depuis de nombreuses années. En effet, depuis 
plusieurs
années, sa maison est constamment surveillée par la police, sa ligne 
téléphonique
est sur écoute, et son courrier est intercepté. De même, ses clients 
font
l’objet de très fortes pressions visant à les dissuader d’avoir recours 
à son conseil.
L’Observatoire a mandaté deux missions de solidarité auprès de Me Radhia
Nasraoui, du 7 au 10 novembre et du 28 au 30, afin de lui apporter son 
soutien.
Le 10 décembre 2003, Me Radhia Nasraoui a annoncé lors d’une conférence
de presse qu’elle mettait un terme à sa grève de la faim. Me Nasraoui 
est apparue
très affaiblie, ayant perdu notamment 16 kilos.
Fin 2003, son domicile était toujours l’objet de surveillance. Me 
Nasraoui a
toutefois réussi à attirer l’attention de nombreux représentants de la 
communauté
internationale et des médias sur les graves atteintes à l’État de droit 
et aux
droits de l’Homme en Tunisie.

* Harcèlement contre Me Mohamed Nouri

Le 18 juillet 2003, Me Mohamed Nouri, président de l’Association 
internationale
de solidarité avec les prisonniers politiques (AISPP), a vu son domicile
entouré d’un fort dispositif policier durant toute une journée, alors 
qu’il revenait
de Suisse.
Le 5 décembre 2003, Me Nouri a vu son cabinet encerclé par les forces de
l’ordre pour interdire la conférence de presse à laquelle des 
représentants de la
société civile, dont le doyen du barreau tunisien, avaient appelé afin 
de dénoncer
la situation dramatique des prisonniers politiques en Tunisie, en 
particulier
ceux de Borg el-Amri, alors à leur 34e jour de grève de la faim.
Le 9 décembre, il a été empêché de quitter le territoire tunisien pour 
se
rendre à Genève.

* Détention et libération de Zouhair Yahyaoui

M. Zouhair Yahyaoui, fondateur et animateur du site internet TUNeZINE
consacré aux libertés fondamentales en Tunisie, détenu depuis le 4 juin 
2002, a
été libéré le 18 novembre 2003, grâce à la mobilisation nationale et 
internationale.
M. Zouhair Yahyaoui avait été arrêté le 4 juin 2002 et condamné le 20 
juin
2002 en première instance, puis en appel le 10 juillet à deux ans de 
prison pour
« propagation de fausses nouvelles » à la suite d’un procès que 
l’Observatoire
avait observé et considéré comme inéquitable. L’Observatoire avait 
saisi le
groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire de son 
cas le
27 août 2002.
M. Yahyaoui est sorti de prison dans un état physique extrêmement 
affaibli
en raison des conditions de détention précaires et dégradantes dans 
lesquelles il
était détenu. Il a notamment perdu toutes ses dents, ainsi que beaucoup 
de
poids.
En 2003, M. Zouhair Yahyaoui a mené trois grèves de la faim pour 
protester
contre sa condamnation et ses conditions de détention. Outre des 
conditions
dégradantes sur le plan physique (cellule surpeuplée, chaleur extrême, 
absence
d’accès à des soins médicaux, etc.), M. Zouhair Yahyaoui a fait l’objet 
de persécutions,
humiliations et mesures punitives de la part des gardiens de la prison.
Ces mesures se sont notamment multipliées après le rassemblement de 
solidarité
organisé en sa faveur devant la prison de Borj El Amri le 6 février 
2003 66.
À partir de ce moment, la nourriture que lui envoyait sa famille était 
régulièrement
volée et ce qui lui parvenait était délibérément souillé par les 
gardiens.
Toute lecture lui a été interdite, sa correspondance a été confisquée 
et sa promenade
quotidienne supprimée. M. Yahyaoui a par ailleurs été mis au cachot
avec privation totale de nourriture pendant deux jours à la suite des 
protestations
de sa famille concernant les conditions de visite. Ces mesures 
punitives se
sont de nouveau accrues peu avant sa libération.
Le 4 juin 2003, sa fiancée, Melle Sophie Piekarec, de nationalité 
française et
nouvelle animatrice de TUNeZINE, avait été refoulée de Tunisie. Melle 
Sophie
Piekarec souhaitait rendre visite à la famille de Zouhair, un an jour 
pour jour
après son arrestation, elle devait également rencontrer l’ambassadeur 
de France
à Tunis.

* Harcèlement à l’encontre des membres du RAID

M. Fathi Chamkhi, porte-parole du Rassemblement pour une alternative
internationale de développement (RAID, ATTAC/Tunisie), a été agressé le
28 février 2003 devant la faculté des lettres de La Manouba (proche de 
la capitale),
où il enseigne, par un garde de police universitaire. Des agents du 
poste de
police l’ont ensuite harcelé.
M. Sadri Khiari, membre fondateur du CNLT et membre du RAID, a pu
quitter la Tunisie en mai 2003 et vit désormais à l’étranger. M. Khiari 
faisait
l’objet d’une interdiction de sortie du territoire depuis juillet 2000, 
au motif
qu’il était l’objet de poursuites judiciaires, alors qu’il n’avait 
jamais reçu d’informations
quant à ces poursuites.

* Refus de passeport et campagne de calomnie contre des défenseurs des 
droits de l’Homme

Les campagnes de diffamation orchestrées par le gouvernement dans la
presse dite indépendante (et qualifiée de « presse de caniveau » par 
les associations
de défense) ont continué, mettant en cause notamment Mmes Chedija
Cherif, vice-présidente de l’Association tunisienne des femmes 
démocrates
(ATFD), Souhayr Belhassen, vice-présidente de la LTDH, Sihem Ben
Sedrine, membre du CNLT et directrice du magazine en ligne Kalima,
Me Bochra Bel Haj Hamida, ex-présidente de l’ATFD, Me Mokhtar Trifi,
président de la LTDH, M. Omar Mestiri, membre du CNLT, M. Khémaïs
Chammari, ex-vice-président de la LTDH et membre du Comité pour le 
respect
des droits de l’Homme et des libertés (CRLDHT) contraint à l’exil,
Kamel Jendoubi, président du Réseau euro-méditerranéen des droits de
l’Homme (REMDH) et du CRLDHT. Ce dernier, résidant en France, continue
à être privé de son passeport.
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