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Lettre à la Présidence britannique de l'UE au sujet de la rétention de données

Lettre commune d'EDRI et de Privacy International
Version française - 12 juillet 2005 - Traduction IRIS - Également disponible en PDF
English (original), Español
 
Voir aussi le communiqué de presse d'IRIS du 12 juillet 2005


Voir aussi, concernant la biométrie :
Pétition pour le retrait du projet INES

 

Son Excellence Monsieur Tony Blair
Président du Conseil de l'Union européenne
175 Rue de la Loi - B-1048 Bruxelles - Belgique

Madame Viviane Reding
Commissaire pour la société de l'information et les médias
Commission européenne
200 Rue de la Loi - B-1048 Bruxelles - Belgique

Monsieur Franco Frattini
Vice-Président et Commissaire pour la justice, la liberté et la sécurité
Commission européenne
200 Rue de la Loi - B-1048 Bruxelles - Belgique

Copie : Membres de la Commission LIBE du Parlement européen

Bruxelles, le 12 juillet 2005

Excellence, Madame, Monsieur,

Au nom des organisations European Digital Rights et Privacy International, nous souhaiterions exprimer notre tristesse et notre colère face aux attentats terroristes survenus à Londres le 7 juillet. Nous comprenons la difficulté d'assurer la sûreté de tous les citoyens et résidents, tout en garantissant dans le même temps tous les autres droits de l'homme, y compris leur droit à une vie privée. Nous comprenons également et nous appuyons les efforts constants nécessaires à la prévention de tels attentats. Toutefois, au vu des intentions de la Présidence britannique du Conseil de l'Union européenne de répondre aux attentats par une procédure urgente du Conseil Justice et Affaires intérieures, afin d'adopter rapidement un projet de Décision cadre permettant une surveillance totale des communications, nous appelons respectueusement à la retenue.

Nous considérons que les attentats de Londres constituent une atteinte aux droits de l'homme si consciencieusement définis, et garantis par la Déclaration universelle des droits de l'homme, par la Convention européenne pour la sauvegarde des droits de l'homme et par la Charte européenne des droits fondamentaux. La législation en matière de droits de l'homme importe d'autant plus en temps de crise pour les États et les sociétés. La pire réponse possible serait de compromettre, par une réaction inspirée par la panique, ces droits auxquels nous avons si soigneusement oeuvré.

Nous considérons que le projet de Décision cadre de rétention généralisée de données constitue une grave violation du droit à la vie privée et une sérieuse mise en danger de la liberté d'expression. À notre avis, il doit demeurer une distance infranchissable entre l'enquête et la poursuite de criminels d'une part, et la surveillance massive à titre préventif de tous les citoyens et résidents d'autre part. Cette distance est l'essence de nos valeurs démocratiques. Nul ne peut être considéré comme coupable tant que cela n'a pas été prouvé. Nous sommes profondément préoccupés par le fait qu'une réponse à la terreur en termes de surveillance massive résulterait en un succès retentissant pour les responsables de tels attentats : un ébranlement fondamental de nos valeurs les plus chères.

À la lecture des entretiens accordés à la presse par le ministre de l'Intérieur britannique après les attentats de Londres, et sur la base de la dernière version du projet de Décision cadre rédigée le 29 juin par la future Présidence britannique du Conseil, nous estimons que la Présidence pourrait se précipiter vers l'adoption de mesures de rétention de données entièrement dans le cadre du troisième pilier, sans aucune consultation démocratique supplémentaire de la Commission européenne et du Parlement européen. Sachant que la Présidence britannique a déjà annoncé que la rétention de données sera une de ses importantes priorités, et sachant qu'elle s'efforce d'obtenir une décision formelle lors du Conseil JAI du 12 octobre 2005, nous ne pouvons que conclure que la Décision cadre est en train de suivre son propre cours, sans aucune preuve convaincante d'utilité et de bienfait, sans aucune analyse du coût induit pour l'industrie et de son inévitable traduction en coût pour les consommateurs, sans aucune analyse sérieuse d'efficacité et surtout sans la moindre légitimité conférée par un large débat démocratique au sein du Parlement européen.

Nous souhaiterions vous rappeler que le rapport rédigé par Alexandre Alvaro, rapporteur pour le Parlement européen, a désapprouvé toute mesure de cette sorte, et que ce rapport a été collectivement adopté par le Parlement européen le 7 juin 2005. Nous rappelons également que l'avis de la Commission européenne, l'avis de la Commission JURI du Parlement européen tel qu'adopté par la Commission LIBE et, enfin, l'avis du service juridique du Conseil JAI confirment tous l'absence totale de base légale pour une telle mesure dans le cadre du troisième pilier.

En conséquence, nous vous exhortons à reconsidérer cette approche. Lorsqu'une mesure proposée, comme c'est le cas pour la rétention de données, rencontre une résistance si écrasante et si systématique de la part d'hommes politiques de tous pays et de tous partis, de la part de tous les secteurs industriels et de la part de tous les défenseurs des droits civils, des arguments rigoureux et persuasifs deviennent nécessaires pour qu'un vrai débat démocratique s'instaure. Adopter une telle mesure sans de tels arguments, en dehors des institutions démocratiques habituelles et sous le coup de l'émotion, ne peut que produire une forte défiance envers le processus démocratique, minant de ce fait les fondements mêmes de notre société.

Nous sommes fiers de vivre dans une société libre et ouverte. Si quelque chose peut nous unir et nous préserver en temps de crise, c'est bien le respect des droits de l'homme. Nous espérons que vous reconsidèrerez votre stratégie, et que vous engagerez plutôt un débat public authentique et significatif avec la Commission européenne et le Parlement européen, pour adopter des mesures efficaces, proportionnées, et nécessaires.

Nous vous prions d'agréer, Excellence, Madame, Monsieur, l'expression de notre haute considération.

Sjoera Nas
European Digital Rights
www.edri.org

Gus Hosein
Privacy International
www.privacyinternational.org

Et les membres de European Digital Rights :

  • Association Electronique Libre (AEL) - Belgique
  • Bits of Freedom - Pays-Bas
  • Campaign for Digital Rights (CDR) - Royaume Uni
  • Chaos Computer Club (CCC e.V.) - Allemagne
  • CPSR-ES - Espagne
  • Digital Rights - Danemark
  • Electronic Frontier Finland (EFFI) - Finlande
  • Förderverein Informationstechnik und Gesellschaft (FITUG e.V.) - Allemagne
  • Forum InformatikerInnen für Frieden und gesellschaftliche Verantwortung (FIfF e.V.) - Allemagne
  • Foundation for Information Policy Research (FIPR) - Royaume Uni
  • GreenNet - Royaume Uni
  • Internet Society Bulgaria - Bulgarie
  • Imaginons un Réseau Internet Solidaire (IRIS) - France
  • Netzwerk Neue Medien (NNM e.V.) - Allemagne
  • quintessenz - Autriche
  • Swiss Internet User Group (SIUG) - Suisse
  • VIBE!AT - Autriche

  • (dernière mise à jour le 18/07/2005) - webmestre@iris.sgdg.org